« Quand on devient élu du personnel, on a tout à apprendre… », Alain Fournès, syndicaliste

Sommaire

Élu du personnel et syndicaliste aguerri par 30 ans de lutte pour la défense des salariés des établissements Roudière dans l’Ariège, Alain Fournès a bénéficié, au fil de ses mandats, de nombreuses formations syndicales. Il a su cultiver et mettre à profit le savoir acquis, jusqu’à la dernière bataille. Désormais sans mandat ni travail, il a fallu trouver encore de la ressource pour mener une VAE et rebondir dans d’autres fonctions.

.

alain_fournes_CGT_Ariège-La Dépeche du Midi

Alain Fournès manifestant devant son entreprise en 2007. Photo : La Dépêche du midi.

Mécanicien de formation, Alain Fournès entre en 1982 dans l’usine de textile ariégeoise Roudière, premier employeur de Lavelanet avec ses 2 500 salariés et où chacun, dans la région, aspire à travailler. Il adhère rapidement à la CGT et devient délégué syndical, puis élu du personnel comme secrétaire du comité d’entreprise, avant de cumuler plusieurs mandats : secrétaire du comité central et secrétaire du CHSCT. Quand le groupe Chargeur rachète l’entreprise en 1985, il est devenu secrétaire du comité de groupe. En 1993, on le retrouve secrétaire des instances européennes, mais aussi secrétaire général de l’union locale CGT et secrétaire de l’union départementale. « Je me suis vraiment épanoui au travers de mes responsabilités et de mes formations syndicales. Le syndicat, c’est du dialogue collectif, c’est de la solidarité, raconte-t-il enthousiaste.  C’est grâce à cela que j’ai appris à écrire, à lire. Quand on passe de simple mécanicien payé au lance pierre à militant et représentant du personnel dans une grande entreprise, il faut apprendre en quoi consistent les lois, ce que dit le droit, etc. »

 

Une entreprise avec une culture de lutte

Le jeune Alain Fournès prend son rôle de défenseur des salariés au sérieux : il commence par lire les journaux de la CGT, le code du travail et s’intéresse à tout ce qui peut l’aider dans ses fonctions de militants. « C’est un devoir quand on est élu. J’ai beaucoup appris aussi au contact de Secafi et autres experts. J’ai eu de la chance d’être dans une entreprise qui avait une culture de lutte et de revendications, tous les ans on se battait pour obtenir quelque chose : le 13ème mois en 1984, les augmentations de salaires, le temps de travail, la complémentaire retraite en 1992 que les dirigeants voulaient supprimer, etc. » énumère celui qui connaît dans les détails l’historique des établissements Roudière et chaque montage et coup stratégique du millionnaire Seydoux, devenu propriétaire de l’entreprise ariégeoise.

 

« Je me suis battu pour que les autres suivent le congé de formation syndical »

S’il est courant d’entendre que le savoir du militant s’acquiert sur le terrain, pour y être vraiment efficace, mieux vaut être formé et entrer dans les négociations bien armé. Alain Fournès l’a bien compris. « J’ai bénéficié de nombreuses formations, se souvient un peu nostalgique le cégétiste qui est allé plusieurs fois, un mois par an, suivre un cursus au centre de formation de la CGT, Benoît-Frachon, le « manoir » de Courcelles sur Yvette. Il a suivi les stages niveau 1 et 2 du syndicat, d’environ trois semaines, pour comprendre le syndicat, le fonctionnement des instances et celui de l’entreprise ; et dès l’ouverture de l’IRT de Toulouse en 2003, il y a suivi six jours de formation par an. « Je me suis battu pour que chaque année, les autres élus suivent les douze jours de congé de formation économique, sociale et syndicale auxquels ils avaient droit. Ce congé est très enrichissant, très intéressant. Malheureusement, tout le monde n’y voit pas le même intérêt que moi. » En 2012 cependant, la dernière société du groupe est liquidée et Alain Fournès se retrouve lui-même licencié économique, sans poste ni mandat après 30 ans à défendre ses collègues.

 

 

Difficile, à près de 50 ans, d’entamer une reconversion

Un nouveau parcours du combattant commence pour le syndicaliste, désormais au même rang que tous les autres salariés. Il effectue un bilan de compétences, choisit de faire une licence pour devenir régisseur. Mais on lui fait comprendre que son choix est « trop ambitieux » et il doit s’orienter à nouveau. Difficile, à près de 50 ans, d’entamer une reconversion. Il repart dans un parcours administratif compliqué dans lequel chaque service ou centre de formation se renvoie la responsabilité de telle ou telle décision. En s’appuyant sur l’IRT de Toulouse, son dispositif d’aide à la VAE militante et les réunions qui réunissent des militants aux profils tous différents, mais tous en reconversion, il parvient à aller de l’avant et enfin à trouver, à mener et à obtenir une « VAE totale » pour devenir « médiateur technicien service ». Un parcours totalement pris en charge par la Direccte.

 

Quand tout s’arrête, c’est dur

« Heureusement que j’ai eu la possibilité de faire cette VAE. Parce qu’après 30 ans de militantisme, quand tout s’arrête du jour au lendemain, on reste à la maison, le téléphone ne sonne plus et c’est dur. Surtout aussi quand arrive la lettre d’annonce de fin de droit » rappelle Alain Fournès. Après quelques contrats précaires comme médiateur, il est finalement embauché par la CGT Midi-Pyrénées pour représenter l’organisation syndicale au Ceser (Conseil économique, social et environnemental régional). Il est aujourd’hui également animateur et formateur dans le cadre d’une convention avec l’Agefiph sur l’insertion des personnes handicapées dans les entreprises et il siège également à la CPRIA (Commission paritaire régionale interprofessionnelle de l’Artisanat). Joli rebond et juste retour après tant d’années de service.

Philippine Arnal-Roux

A lire aussi : VAE militante, 26 candidats en six ans : doucement mais sûrement !