« Les militants en reconversion ont besoin d’un réseau » Nicole Maggi-Germain, ISST

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Nicole Maggi-Germain, directrice de l’ISST de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (Institut des sciences sociales du travail) a réuni les organisations syndicales (CGT, FO, CFDT) dans un groupe de travail dédié à la reconversion des militants. Son objectif est de créer un réseau régional et national à la disposition des syndicalistes afin d’anticiper et de faciliter leur accompagnement vers l’après-mandat. 

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Nicole Maggi-Germain est directrice de l’Institut des sciences sociales du travail de l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne. Photo : Serge Cannasse

« Nous avons créé un groupe de travail sur ce thème avec les organisations syndicales, mais il existe un décalage entre nos approches. Concernant la VAE (validation des acquis de l’expérience), les organisations syndicales pensent aujourd’hui la reconversion sans lien avec les compétences développées au cours d’un mandat. Si cette perspective est intéressante, il me semble que dans un premier temps, les compétences acquises par les militants au cours de leur parcours sont d’abord transversales et transférables à des métiers périphériques au mandat. Les membres du groupe de travail sont en revanche d’accord pour continuer à échanger et à œuvrer à la banalisation du mandat, qu’il ne soit plus le sacrifice de certaines personnes à la défense des salariés. En effet, il y a à peine 20 ans, être discriminé parce qu’on était syndicaliste était finalement plutôt valorisant. Ce n’est plus le cas aujourd’hui : le mandat s’institutionnalise.

 

Qu’est-ce qui a été mis en place à l’ISST concrètement sur la reconversion des militants ?

Rien de tangible pour l’instant. La demande n’est pas exponentielle car il s’agit d’une démarche particulière qui implique un engagement individuel. Cependant nous avons mis en place un groupe de travail sur ce sujet, qui doit se réunir d’ici à la fin de l’année 2016. En octobre, chaque OS doit présenter son approche du parcours militant. La question de la professionnalisation du mandat sera soulevée.
Ensuite, nous prévoyons l’audition de personnalités déjà investies dans la valorisation des compétences militantes, telles que Yannick Lequentrec, directrice de l’IRT de Toulouse et Sophie Béroud, directrice du Master 2 Professionnel « Syndicalisme et représentation professionnelle » qu’elle a créé à l’université Lumière Lyon 2.

Quel est le but poursuivi par ce groupe de travail ?

Nous souhaitons réfléchir à la manière dont l’ISST peut participer à cette reconversion des militants. Pour cela, nous pourrions travailler avec d’autres institutions comme la Région Ile-de-France, les services de l’Etat et le Cese (Conseil économique, social et environnemental) à la création d’une plateforme d’accompagnement et de suivi des militants. Il conviendrait aussi d’y inclure certaines UFR de Paris. Ce projet impliquerait la mise à disposition de moyens spécifiques, de personnels, d’une ingénierie financière, etc.
L’idée de cette plateforme vient d’un dispositif lancé dans les années 2000 afin de préparer la reconversion du bassin d’emploi de Cholet (Maine-et-Loire). Mise en place conjointement par le Département, la Région, l’Etat et Pôle emploi, elle a créé un réseau d’acteurs qui, au final, avec peu de moyens et une extrême souplesse de fonctionnement, a donné de bons résultats. Or ce qu’il manque aujourd’hui aux militants qui pensent à leur reconversion, c’est le réseau. C’est ce que je souhaiterais mettre en oeuvre à l’échelle de la région et peut-être au-delà.

Comment expliquez-vous la crispation que l’on constate parfois chez les universitaires face au dispositif de VAE militante ?

Ce qui pose souvent problème aux candidats à la validation des acquis de l’expérience militante, c’est la rédaction. Passer de l’oral à l’écrit n’est pas évident pour quelqu’un qui a quitté les bancs de l’école 20 ou 30 ans auparavant. S’engager dans une VAE et dans des études, implique un retour vers la théorie et une capacité d’abstraction compliquée à acquérir pour des adultes engagés dans la vie active depuis de nombreuses années. L’inquiétude ou la vigilance des universitaires réside souvent dans ce point. Cependant, on constate que certains conseillers prud’homaux, après 20 ans de pratique, ont acquis un excellent raisonnement juridique.

Il ne faut donc pas préjuger des capacités des candidats à la VAE.
Quel serait pour vous le dispositif idéal pour mettre en valeur les compétences diverses des militants ?

Pour quelqu’un qui n’a pas fait d’études, la rencontre et le partage de connaissances est très important. D’où l’idée de créer un réseau autour des militants candidats à la reconversion. De plus, aujourd’hui, entre la possibilité de valider un diplôme ou rien du tout, il existe une solution intermédiaire qui consiste à en obtenir une partie (des modules) et à reprendre l’apprentissage de certaines autres parties théoriques difficiles à valider après une longue expérience de terrain.

L’ISST de Bourg-la-Reine sera-t-il donc porteur du projet ?

L’idée n’est pas que l’ISST soit le seul interlocuteur, mais bien que nous constituions des réseaux, avec les autres UFR de l’Université Paris 1, en particulier l’IAE (Institut d’administration des entreprises) et le FCPS (service de formation continue Panthéon-Sorbonne), tout en s’appuyant sur les neuf instituts du travail rattachés à une université. Il serait intéressant d’instaurer des priorités d’accès à une formation pour ces publics de militants et que l’ensemble de ces mesures concoure à identifier tous les dispositifs existants pour construire leur parcours. Nous devons anticiper les demandes en structurant ce réseau, afin que les militants s’approprient leur parcours et n’utilisent plus la VAE uniquement quand ils n’en peuvent plus, en dernier recours, comme c’est souvent le cas aujourd’hui. »

 

Propos recueillis par Philippine Arnal-Roux

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