Administrateurs salariés : mettre des réalités derrière les chiffres

La loi LSE de 2013 a généralisé la présence des administrateurs salariés dans les grandes entreprises. En 2017, alors que leur légitimité semble encore difficile à accepter par les directions, comment exercent-ils leur mandat ? C’était le sujet des 2d assises des administrateurs salariés*, fin mars.

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Les administrateurs salariés, souvent anciens élus du CE ou délégués syndicaux centraux souffrent d’un manque de confiance auprès des directions d’entreprise.

D’abord instituée au sein des entreprises publiques, la présence d’administrateurs salariés dans les organes de direction a été élargie au privé depuis 2013 (qu’est-ce qu’un administrateur salarié ?). Désormais, dans les grandes entreprises, un ou deux administrateurs salariés doivent être élus ou désignés par les IRP ou les syndicats, pour siéger au conseil d’administration ou de surveillance, avec voix délibérative.

Des administrateurs salariés pas toujours les bienvenus

Peu nombreux – en Allemagne, ils occupent entre un tiers et la moitié des postes – les administrateurs salariés tentent d’imposer une autre sensibilité. « Ils ont une expérience syndicale solide – ce sont souvent d’anciens DSC (délégués syndicaux centraux) ou élus de CE (comité d’entreprise) – qui sont capables de remonter les préoccupations des salariés, ce que les autres administrateurs ne peuvent pas faire », témoigne Ghislaine Coinaud, administratrice CGT chez Orange. « Nous mettons des réalités derrière les chiffres, et apportons notre connaissance de l’entreprise, de ses marchés et de son organisation, abonde Gérard Mardiné, administrateur CFE-CGC chez Safran. Et nous défendons une vision à long terme de l’entreprise ».

Pour autant, l’intégration de ces nouveaux profils n’est pas simple : chez Air France-KLM, Antoine Santero (FO) doit composer avec un conseil d’administration franchement hostile : « Si je veux parler du social, on me rétorque que c’est un autre débat ».

C’est que les dirigeants se méfient de ces nouveaux venus, craignant d’avoir en face d’eux des représentants trop revendicatifs. Pourtant en France, ceux-ci ne peuvent pas exercer d’autre mandat représentatif. A la différence là aussi de leurs homologues allemands, qui sont généralement aussi membres des conseils d’entreprise.

Charte de confidentialité et pré-conseils

La confidentialité est un autre point sensible : « les fuites viennent rarement des administrateurs salariés, même s’ils sont tout de suite soupçonnés !, remarque Marylise Léon, secrétaire nationale CFDT. Il faut trouver le bon équilibre pour qu’ils puissent échanger avec les IRP et leur fédération ». Chez Orange, des chartes de confidentialité drastiques interdisent aux administrateurs de s’exprimer sur les résultats avant qu’ils soient publiés : « J’en suis réduite à commenter les communiqués de presse, regrette Ghislaine Coinaud. Or, à part les contrats commerciaux et les risques de délit d’initié, il ne devrait pas y avoir de restrictions. On tombe dans l’entrave sous couvert du secret des affaires ».

Dans ce contexte les mauvaises habitudes demeurent, comme ces réunions de conseil d’administration organisées hors de la présence des administrateurs salariés. Chez Fleury Michon, des « pré-conseils » de ce type se tenaient il y a encore six mois, de l’aveu même de son président d’honneur, Yves Gonnord, qui reconnaît pourtant la compétence et la responsabilité des administrateurs salariés de son entreprise.

Elodie Sarfati

*Organisées le 28 mars par Le Collège des Bernardins, le cabinet Descartes Legal, l’IFA  (Institut français des administrateurs) et RDS (Réalité du dialogue social).

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