Expertise CHSCT : créer un espace de parole et débloquer les situations

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Qu’est-ce qui déclenche une expertise CHSCT ? Un événement tel qu’un accident, un projet important annoncé ou des éléments de ressenti dans une équipe, un fort turn over ou un taux d’absentéisme en augmentation… Dans cette entreprise du spectacle vivant, le départ en congé maladie d’un chef de service a été l’acmé d’un contexte déjà tendu, déclenchant le recours à une expertise CHSCT, par accord unanime de la direction et des élus du personnel.

Violences relationnelles, conflits interpersonnels, management dépassé, puis malade… La situation dans ce service des habilleuses était si fortement dégradée qu’après plusieurs tentatives de résolution infructueuses en interne, direction et élus du personnel ont décidé ensemble de faire appel à un tiers pour parvenir à une issue.

risque_grave_expertise_chsctLe cabinet d’expertise Socialconseil, par ailleurs organisme de formation CHSCT, a été choisi pour intervenir.

L’expert s’adapte au contexte et au rythme de l’entreprise

« Nous sommes arrivés dans un contexte général d’impuissance, raconte Guy Friedmann de Socialconseil. L’expertise a été déclenchée pour risque grave, ce qui nous a laissé un délai de réalisation libre. D’ailleurs, notre dynamique d’intervention a pris un essor important et un peu inattendu : nous nous sommes adaptés au contexte et au rythme de l’entreprise ». En effet, alors qu’en principe une expertise s’étale en moyenne sur deux mois, le nombre d’auditions – une cinquantaine – et les contraintes du planning de travail des habilleuses ont fait glisser la date de rendu de l’expertise à sept mois…

« Nous étions dans une impasse sociale, raconte le secrétaire du CHSCT. L’expertise a permis de faire baisser la pression, notamment en permettant aux salariés de s’exprimer. L’équipe de Social conseil s’est adaptée à nos rythmes de travail un peu particulier : des vacances d’été de plus d’un mois pour certains, des horaires atypiques, etc. ».

Le rapport d’expertise : une pièce utilisable face à un juge

« L’enjeu de notre analyse est essentiel, explique Gaëlle Savellec, experte de Socialconseil. Les délais légaux pour une expertise déclenchée pour risque grave nous donnent la liberté d’investiguer dans toutes les directions. Il nous faut en effet le temps d’assimiler le jargon technique du métier que nous observons et d’aller chercher dans la mémoire de l’organisation, les origines de certaines situations actuelles. Ce dernier point est d’ailleurs très apprécié des élus du personnel qui cherchent à comprendre comment ils en sont arrivés là. Il est aussi important de relever que concrètement, notre rapport d’expertise, une fois terminé est une pièce valide et utilisable dans le cadre d’une procédure judiciaire. »

En effet, si plus tard, un accident du travail ou un litige sur les conditions de travail intervient et que l’affaire se termine au tribunal, le juge pourra s’appuyer sur le rapport d’expertise pour constater que telle ou telle action préconisée a, ou non, été mise en place. Dans le contexte d’un dialogue social interne, on constate aussi, comme chez GDF Ile-de-France, que le rapport d’expertise CHSCT peut être utilisé comme support pour la négociation collective.
Dans d’autres cas moins heureux, le rapport et la parole de l’expert peuvent être ‘instrumentalisés’ par les acteurs de l’entreprise, d’où l’importance de choisir un cabinet renommé pour sa neutralité, son professionnalisme et son intégrité dans la réalisation de sa mission, précisent les experts de la scop Socialconseil.

Première étape de l’expertise CHSCT : les entretiens individuels et collectifs

L’expertise commence toujours par une succession d’entretiens individuels de toutes les personnes concernées dans l’entreprise. Dans le cas de cette entreprise du spectacle, une trentaine d’habilleuses et une vingtaine d’autres salariés en lien avec leur service ont été entendus. Les experts de Socialconseil les ont questionnés, pour les laisser ensuite s’exprimer, ce genre d’entretien déclenchant souvent des relations émotionnelles fortes. « Notre présence, à elle seule peut modifier les choses, l’ambiance et libérer la parole » constate Guy Friedmann.

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Gaëlle Sévellec et Guy-Friedmann, experts CHSCT chez Socialconseil.

Les experts CHSCT retranscrivent les entretiens au fur et à mesure, les analysent, recoupent ce qui est dit, reviennent poser des questions complémentaires aux uns et aux autres pour bien comprendre les enchaînements d’événements et les relations entre personnes.

« Nous créons un espace de parole qui n’existait pas et qui sert pourtant à créer des controverses sur les conditions de travail et plus largement sur le travail lui-même, poursuit Guy Friedmann. On espère que cet espace ouvert perdurera après notre départ et que le travail restera au centre des discussions, qu’il ne soit plus un tabou et que les échanges à son sujet anticipent les réorganisations. »

L’expert CHSCT : l’accoucheur de solutions

Une fois chaque salarié et acteur de l’entreprise entendu et un premier travail de tri et d’analyse par l’expert CHSCT, suivent les entretiens collectifs. Moments riches en échanges et en réactions, ils durent de deux à trois heures et réunissent par petits groupes les personnes reçues auparavant en entretien individuel. Le but est de déclencher une discussion sur les thèmes émergents de l’analyse réalisée par les experts de Sociaconseil, les réactions et les réflexions permettant alors de valider par « un effet miroir », les constats faits pendant l’enquête. « Dans ces moments, la multiplicité des acteurs ressort », constate Gaëlle Sévellec. L’entretien collectif révèle notamment les écarts entre les fiches de poste et la réalité des relations sur le terrain.

Dans le cas de cette entreprise du spectacle, il est clairement ressorti que les habilleuses étaient des femmes de l’ombre, au métier mal connu et donc mal reconnu. L’analyse de l’expert CHSCT peut se composer également d’une observation d’activité et de préconisations ergonomiques. Le but étant, une fois le nœud identifié, de faire des propositions. « Nous sommes des accoucheurs de solutions » illustre Guy Friedmann. Dans le service concerné, il s’agissait de faire quelques aménagements sans gros investissements : acheter des cintres neufs ; aménager un espace de travail aux habilleuses, qui travaillaient jusque-là dans les couloirs ; délimiter clairement les responsabilités de chacun ; redéfinir les fiches de postes et former les managers aux risques psychosociaux (formation RPS).

Philippine Arnal-Roux

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