Ordonnances Macron. Création du comité social et économique (CSE), fin du CE et du CHSCT

Sommaire

Le glas a sonné pour le CE et le CHSCT. La ministre du Travail, Muriel Pénicaud a présenté ce jeudi 31 août 2017 le contenu des cinq ordonnances qui visent à réformer le code du travail. La deuxième ordonnance traite de la création du comité social et économique qui réunira le DP, le CE et le CHSCT et d’un conseil d’entreprise qui aura en plus la capacité de négocier et de conclure des accords. Le CSE devra être mis en place au plus tard fin 2019. 

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Saisie d’écran issue du site du ministère du travail

La nouvelle organisation du dialogue social au niveau de l’entreprise est présentée dans la deuxième ordonnance. On s’y attendait : le CE et le CHSCT disparaissent au profit d’un comité social et économique, mis en place dans toutes les entreprises à partir de 11 salariés. Le texte distingue cependant les attributions au-dessus et au-dessous du seuil de 50 salariés.

Si l’on résume, les termes de comité d’entreprise, les délégués du personnel et le CHSCT disparaissent totalement des textes de loi. En termes de santé, subsiste une commission santé, sécurité et conditions de travail, mais seulement dans les entreprises de 300 salariés et plus. Dans les autres entreprises, il pourra être instauré sur demande expresse de l’inspecteur du travail, si l’activité implique des risques particuliers pour les salariés.

La disparition des délégués du personnel causera un grand vide au côté des salariés dans les entreprises où ils sont nombreux et éparpillés géographiquement. Ce vide pourra être compensé par la mise en place de représentants de proximité, choisis parmi les membres du comité social et économique ou désignés par lui. Mais pour cela, il faudra conclure un accord d’entreprise.

L’élection des membres du comité social et économique

Il s’agira d’une élection pour un mandat de 4 ans des membres du CSE, représentants du personnel titulaires et suppléants, répartis en collèges, qui vont constituer ce comité social et économique d’entreprise. Un accord de branche, de groupe ou d’entreprise pourra fixer la durée du mandat à 2 ans. Le rôle du protocole préélectoral va se révéler majeur car il précisera toutes les dispositions d’organisation du futur CSE.

Les élus du personnel seront ensuite répartis en commissions ayant chacune des attributions particulières. La commission santé, sécurité et conditions de travail ne sera obligatoire donc que dans les entreprises de 300 salariés et plus.

Sauf accord dérogatoire (L. 2314-5), les délégués du personnel ne pourront pas enchaîner plus de trois mandats successifs ou bien être mandaté plus de 12 ans, excepté dans les entreprises de moins de 50 salariés dans des conditions qui seront fixées par un décret.

Réunions et heures de délégation des membres du CSE

Les heures de délégations seront fixées par décret en Conseil d’Etat (lire l’article) en fonction des effectifs et du nombre de membres de la délégation. Elles ne pourront pas être inférieures à 10 heures par mois dans les entreprises de moins de 50 salariés et à 16 heures dans les autres entreprises. Le décret précisera également les conditions dans lesquelles les membres titulaires de la délégation du personnel du CSE ou comité social et économique pourront se répartir les heures de délégation chaque mois.

Il est à relever dans ce texte que lors des réunions du CSE :

– La délégation patronale peut être composée d’un nombre égal de personnes que le nombre de représentants du personnel, alors que jusqu’à présent, l’employeur n’avait droit qu’à deux accompagnateurs.
– les suppléants ne pourront assister aux réunions qu’en cas d’absence des titulaires, ce qui réduit la délégation salariale de moitié par rapport aux réunions du CE.

A qui et quand va s’appliquer cette réforme de la négociation collective et de la représentation du personnel ?

Le texte s’appliquera aux employeurs de droit privé et à leurs salariés, mais aussi :
– aux établissements publics à caractère industriel et commercial
– aux établissements publics à caractère administratifs qui emploient du personnel dans les conditions du droit privé.
A noter que « dans les entreprises pourvues d’instances représentatives du personnel élues à la date de publication de la présente ordonnance, le comité social et économique (…) est mis en place au terme du mandat en cours de ces élus et au plus tard au 31 décembre 2019.

Les mandats des membres du comité d’entreprise, du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, de la délégation unique du personnel et des délégués du personnel, cessent au plus tard le 31 décembre 2019. Les mandats des membres du CE, du CHSCT, de la DUP et des DP arrivant à échéance entre la date de publication de l’ordonnance au JO et le 31 décembre 2018 pourraient être prorogés pour une durée maximale d’un an par décision de l’employeur, après consultation de ces instances. C’est le conseil donné par les professionnels qui accompagnent les élus du personnel.

Un comité, des comités sociaux et économiques

Un comité social et économique est mis en place au niveau de l’entreprise.
Des comités sociaux et économiques d’établissement et un comité social et économique central d’entreprise sont constitués dans les entreprises comportant au moins deux établissements distincts. (article L.2313-1).
C’est un accord d’entreprise qui détermine le nombre et le périmètre des établissements distincts. En l’absence d’accord, un accord entre l’employeur et le comité social et économique, adopté à la majorité des membres titulaires élus de la délégation du personnel du comité, peut déterminer le nombre et le périmètre des établissements distincts. (article L.2313-3).

Attributions générales du comité social et économique

Selon l’ordonnance n°2, le futur comité social et économique examine, à la demande de l’employeur, toute proposition de nature à améliorer les conditions de travail, d’emploi et de formation professionnelle des salariés, ainsi que les garanties collectives.

Il est doté de deux budgets dont les excédents annuels sont transférables l’un vers l’autre : le budget des ASC et le budget de fonctionnement.

On a là un mélange un peu flou pour l’instant des attributions du CE et de celles du CHSCT.

Le comité réalise à intervalles réguliers (pas de fréquence précisée par le texte) des inspections en matière de santé, sécurité et conditions de travail. Il réalise des enquêtes en matière d’accidents du travail ou de maladies professionnelles ou à caractère professionnel. Le comité peut faire appel à titre consultatif à toute personne qualifiée dans l’entreprise .

Les décisions de l’employeur sont précédées de la consultation du comité social et économique.

Le comité social et économique conserve la capacité d’émettre « des avis et des vœux » dans le cadre de ses attributions consultatives. Pour cela, il a accès aux informations détenues par les administrations publiques. Il peut saisir le président du tribunal de grande instance pour ordonner la communication par l’employeur d’éléments nécessaires à son information. «  Le juge statue dans un délai de huit jours ». Pour autant le comité n’a pas de délai supplémentaire pour émettre son avis.

L’employeur n’a pas plus que jusqu’à présent avec le comité d’entreprise, l’obligation de suivre l’avis du comité social et économique.

Les commissions du CSE

Le comité social et économique peut se composer de plusieurs commissions, obligatoires dans les entreprises à partir de 300 salariés :

la commission santé, sécurité et conditions de travail ou CSSCT (équivalent de l’ex-CHSCT)

la commission économique : chargés notamment d’étudier les documents économiques et financiers recueillis par le CSE et toute question que ce dernier lui soumet.
Elle compte au maximum cinq membres représentants du personnel, dont au moins un représentant de la catégorie des cadres. Ils sont désignés par le CSE.
La commission économique se réunit au moins deux fois par an et peut se faire assister d’un expert-comptable.

la commission formation professionnelle

la commission d’information et d’aide au logement

– la commission de l’égalité professionnelle

– la commission des marchés choisit les fournisseurs et les prestataires du comité.

Attributions du comité social et économique dans une entreprise de 11 salariés et plus

On reconnaît dans les attributions des nouveaux délégués du personnel, celles des actuels délégués du personnel (L.2313-1) :

« 1° présenter aux employeurs toutes les réclamations individuelles ou collectives relatives aux salaires, à l’application du code du travail et des autres dispositions légales concernant la protection sociale, la santé et la sécurité, ainsi que des conventions et accords applicables dans l’entreprise ;

2° De saisir l’inspection du travail de toutes les plaintes et observations relatives à l’application des dispositions légales dont elle est chargée d’assurer le contrôle. »

S’y ajoutent :

  • la notion de « promotion » de la santé, la sécurité et des conditions de travail
  • la capacité de réaliser des enquêtes en matière d’accidents du travail ou de maladies professionnelles ou à caractère professionnel (l’actuel texte précise que l’employeur mène l’enquête avec le délégué, on peut se demander si la formulation implique une disposition différente).

N’apparaissent plus dans le texte de l’ordonnance n°2 sur les attributions des DP :

  • la consultation des DP en cas de licenciement collectif pour motif économique (article L2313-7)
  • l’information et la consultation sur l’utilisation du crédit d’impôt (article L2313-7-1)

Les attributions du comité social et économique peuvent être rendues plus favorables par un accord collectif de travail ou d’usages.

Réunions des DP au CSE

Les membres de la délégation du personnel au CSE sont reçus collectivement par l’employeur au moins une fois par mois. En cas d’urgence, ils sont reçus sur leur demande.
Ils peuvent aussi être reçus individuellement à leur demande.

L’article L. 2315-21 précise que « sauf circonstances exceptionnelles, les membres de la délégation du personnel du comité social et économique remettent à l’employeur une note écrite exposant l’objet des
demandes présentées, deux jours ouvrables avant la date à laquelle ils doivent être reçus. L’employeur répond par écrit à ces demandes, au plus tard dans les six jours ouvrables suivant la réunion. »

Attributions du comité social et économique dans une entreprise de 50 salariés et plus

Dans une entreprise à partir de 50 salariés, le champ d’expression du comité social et économique s’élargit aux « décisions relatives à la gestion et à l’évolution économique et financière de l’entreprise, à l’organisation du travail, à la formation professionnelle et aux techniques de production » avec au niveau de l’information-consultation, un mélange des attributions du CE et des missions du CHSCT :

« 1° Les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs ;

2°La modification de son organisation économique ou juridique ;

3° La durée du travail ou les conditions d’emploi, de travail et de formation professionnelle ;

4° L’introduction de nouvelles technologies, l’aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail ;

5° Les mesures prises en vue de faciliter la mise, la remise ou le maintien au travail des accidentés du travail, des invalides de guerre, des invalides civils, des personnes atteintes de maladies chroniques évolutives et des travailleurs handicapés, notamment sur l’aménagement des postes de travail. »

Dans le champ de la santé, sécurité et conditions de travail, le comité social et économique a des attributions plutôt limitées. Selon le texte, le CSE :

  • procède à l’analyse des risques professionnels
  • contribue à faciliter l’accès à tous les emplois et à tous les postes de travail aux femmes et aux personnes handicapées.
  • est force de proposition pour des actions de prévention du harcèlement moral et sexiste.

Les réunions du CSE dans les entreprises de moins de 300 salariés

Le comité social et économique se réunit au moins une fois tous les deux mois sur convocation de l’employeur ou de son représentant.

Les réunions du CSE dans les entreprises d’au moins 300 salariés

Le comité social et économique se réunit au moins une fois par mois sur convocation de l’employeur ou de son représentant.

Les ordonnances seront-elles appliquées telles quelles et quand ? 
Les ordonnances seront présentées le 22 septembre au conseil des ministres.  D’ici là, elles seront soumises au Conseil national de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles, à la Commission nationale de la négociation collective, au Conseil d’orientation des conditions de travail, au Conseil supérieur pour l’égalité professionnelle, aux Caisses de sécurité sociale, au Conseil national d’évaluation des normes et au Conseil supérieur de la prud’homie. Chacun de ces organismes doit donner son avis et selon Édouard Philippe, les ordonnances seront en vigueur dès la fin du mois de septembre.Les syndicats de salariés comptent encore pouvoir influer sur le contenu des décrets attachés aux ordonnances.

Philippine Arnal-Roux

Consultez l’ordonnance n°2 en application de loi d’habilitation

A suivre : un article sur le Conseil d’entreprise, c’est le CSE doté du pouvoir de négociation dans l’entreprise, par les délégués syndicaux. Le conseil d’entreprise sera obligatoirement co décisionnaire sur la formation professionnelle et sur l’égalité hommes-femmes. Il pourra également décider de l’être sur d’autres thèmes (rémunération des dirigeants, restructurations…).
Vous pouvez d’ores et déjà consulter la partie qui concerne cette nouvelle instance à partir de la page 69 de l’ordonnance n°2.