Communication syndicale. Digital et actions de terrain se complètent

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Comment les syndicats et les élus du personnel se sont-ils appropriés les outils numériques pour communiquer avec des salariés déjà inondés d’informations ? Pour la communication syndicale, entre le « live » et le bon vieux tract, certains ont choisi… ou pas !

Au cours d’un atelier organisé ce début octobre par Miroir Social, plusieurs représentants syndicaux et élus du personnel sont venus témoigner de leurs pratiques pour capter l’attention des salariés, leur transmettre des messages et surtout garder un lien convivial avec eux.

 

Des informations adaptées aux centres d’intérêt des salariés

Grâce à une démarche bien rodée, le site de la CFE-CGC d’Orange est en constante progression, selon Sébastien Crozier, président de la section syndicale. Il voit passer en moyenne 16 000 visiteurs uniques par mois. Une personne pilote l’ensemble des contenus, quatre community managers gèrent le site, alimenté par une trentaine de militants. C’est une vraie « digital factory » qui gère une base de 25 000 contacts.

 

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Quatre community managers gèrent les sites de la CFE-CGC Orange.

L’approche est très professionnelle : les informations publiées sont différentes selon les supports utilisés : les comptes sur les réseaux sociaux ; le blog de l’Adeas, l’association pour la défense de l’épargne et de l’actionnariat salarié (75 % des salariés d’Orange en sont actionnaires) et des newsletters envoyées régulièrement. Certaines publications sont également relayées sur le réseau social interne d’Orange, Plazza, mais avec moins d’interactions au final.

Il faut cependant s’adapter régulièrement, ainsi, face à la baisse de l’ouverture des e-mails, une logique marketing de segmentation des publics et des centres d’intérêts a été mise en place pour mieux cibler les informations diffusées. Les salariés internautes ont donc la possibilité de choisir les thèmes qu’ils souhaitent recevoir. Des « mécaniques de rebond » sont à l’œuvre également, qui consistent à placer des liens hypertextes dans les différents sites développés par le syndicat.

A côté de ce développement de l’audience internet, l’équipe de la CFE-CGC n’a pas pour autant laissé le terrain, car « plus il y a d’audience physique, plus il y a d’audience virtuelle », affirme Sébastien Crozier.

 

Transformer la relation virtuelle en vraie relation de personne à personne

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Le compte CDZ communauté des Zagrums ou « Tu sais que tu bosses chez Orange quand… », créé par Christophe Ndi, réunit 13 000 membres.

« On rentre dans une boucle permanente entre digital et physique : on se déplace beaucoup, partout en France et à chaque fois on prend des photos, on poste l’événement, ce qui permet d’informer les salariés qui ne sont pas là, d’être au courant de ce qu’il se passe, raconte le syndicaliste.

Pour Christophe Ndi, créateur et animateur du fameux groupe Facebook « Tu sais que tu bosses chez Orange quand… », les militants syndicaux pâtissent encore d’une mauvaise image et de préjugés auprès des salariés. Aussi « chaque chose que fait un mandaté doit être médiatisé pour redorer l’image des militants et les montrer en train de faire leur job ! »
Non syndiqué à l’origine, Christophe Ndi, a révélé un véritable professionnalisme de l’animation digitale au travers de ce groupe Facebook qui réunit désormais 11 000 membres. Soutenu par la CFE-CGC Orange, il est par ailleurs entendu que ce groupe est asyndical et apolitique… qui sert la même cause que les militants et les représentants du personnel. Il couvre tous les événements d’Orange, invité ou non par la direction, au travers de photos, de commentaires, de vidéos. La recette du succès est aussi et sans aucun doute dans la personnalisation de la relation sur le réseau social : Christophe Ndi et ses modérateurs sont identifiés par les membres du groupe, ce qui humanise la relation et personnifie l’outil de communication.
D’ailleurs, à titre d’exemple, sur les réseaux sociaux, les comptes personnels de Sébastien Crozier réunissent plus du double d’abonnés que les comptes du syndicat lui-même.

« Via Facebook, on organise aussi des after work. Ce sont des salariés qui retrouvent des salariés, avec tous les sujets de discussions possibles, décrit Christophe Ndi. Quand on est élu, on se déconnecte vite du terrain, c’est essentiel d’y revenir. Ces moments de partage en réel, sont un moyen de rester près des revendications des salariés. »

 

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A lire aussi :

« Sur Facebook, priorité à la personnalisation et à la bienveillance », Christophe Ndi, créateur et animateur du groupe Facebook « Tu sais que tu bosses chez Orange quand… »

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Communication syndicale. Des réseaux pour compenser le manque de proximité

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Le syndicat CAT de la Maif fédère les salariés autour de sa page Facebook, sur laquelle il organise régulièrement des « live« .

Le syndicat CAT, Confédération autonome du travail, troisième organisation syndicale représentative dans le groupe Maif (7 300 salariés dont 2 300 au siège), a développé lui aussi sa stratégie web en réponse à un constat d’échec sur le plan de la proximité. « Quand les salariés sont éparpillés partout en France dans des agences qui comptent entre trois et quatre personnes, il est difficile, voire impossible d’aller voir tout le monde, explique Steve Curier, secrétaire syndical. Nous avons donc créé une page Facebook et nous pratiquons le « live » pour être en interaction avec les salariés. »

470 personnes font partie du groupe et environ 5 000 personnes suivent les « live » qui génèrent souvent des questions par la suite. En effet, Steve Curier constate un décalage entre le nombre de « like » et le nombre de vues. « Pendant les « live« , les salariés craignent de se dévoiler. Ils sont donc peu nombreux à réagir par un « like » ou par des commentaires en direct », explique-t-il.

 

 

Tractage, newsletter et sondage… des supports pour revenir au terrain

Du côté de la CFTC Atos Worldline (3 200 salariés), plusieurs supports numériques ont été développés dans le but de clarifier le discours et la politique de la direction. Via le blog et le compte twitter (210 abonnés), les salariés sont interpellés sur l’actualité de l’entreprise et au-delà, sollicités par des quiz qui les amènent au final à cliquer vers le blog.
L’employeur autorise les syndicats à utiliser la liste de diffusion vers les salariés huit fois par an et après chaque négociation. De plus, le comité d’entreprise peut également l’utiliser pour envoyer sa « gazette mensuelle » relative aux activités sociales et culturelles.

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En plus de son blog, l’équipe de la CFTC Atos Worldline produit un livret de 8 pages qu’elle distribue directement dans les bureaux.

Déjà bien occupés par la gestion des ASC, les élus du CE, également militants CFTC, ont fait le choix de ne plus tracter, mais plutôt de publier un dossier papier de huit pages, quatre fois par an sur un seul thème, toujours avec un angle « sociologique ». Ce contenu réalisé par des passionnés, permet d’aller à la rencontre des salariés. « On est mieux reçu en apportant une information de qualité qu’en arrivant à l’improviste », explique Florent Jonery, délégué syndical central. « Aller parler avec les gens reste essentiel : cela permet de se rendre compte de leur quotidien, de retrouver de la modestie car on ne représentera jamais toute la diversité du collectif. »

A l’inverse, les militants Unsa chez IBM cultivent toujours le tractage, tout en ayant développé le blog. 2 000 flyers sont distribués aux salariés tous les mois. « Nous nous plaçons à toutes les sorties du bâtiment, et toujours en surnuméraire et en binôme, parce que celui qui distribue ne peut pas aussi discuter », explique Pierry Pocquet, DSC.
Sur le blog, les articles les plus lus recueillent 500 à 700 vues. Sur le réseau social interne à IBM, le syndicat a choisi en revanche de ne pas s’affiche directement, mais plutôt par le biais de personnalités pour faire passer les messages. La personnalisation de la relation prouve ici encore son efficacité.
Le mix digital-proximité a payé et l’Unsa est devenue la première organisation syndicale du groupe en quelques années.

 

Philippine Arnal-Roux