Le CSE demain ? Négociation et formation au cœur du CSE

Sommaire

Le 11 avril dernier, quatre acteurs du conseil et de la formation aux élus du personnel, le Groupe Up, le cabinet Syndex, le réseau inter-CE Cezam et le groupe Technologia ont réuni 200 élus du personnel autour d’un débat sur l’avenir des CSE, intitulé « Le CSE demain ». Onze propositions ont été émises en amont et ont fait l’objet de trois tables rondes autour d’experts et de représentants syndicaux.

 

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Débat CSE demain du 11 avril 2019. Dessin de Guf : « Si j’étais pessimiste, je ne serais pas syndicaliste ». Photo de Sébastien Delarque.

Comment garantir la prévention de la santé et de la sécurité au travail avec le comité social et économique ? C’était le thème de la première table ronde avec pour participants deux experts et deux représentants de salariés.

 

 

L’instauration du CSE : des effets négatifs, des ajustements nécessaires

Jean-Claude Delgènes, du groupe Technologia a rappelé tout de go que les ordonnances Macron allaient « avoir des effets extrêmement négatifs sur la santé des salariés. On va renvoyer chez eux quelques 300 000 élus du personnel qui, en tant que bénévoles, veillaient à éviter les risques professionnels » a-t-il affirmé. « A la Hague par exemple, on est passé de 34 élus à neuf élus titulaires ! Je pense que l’histoire va être cruelle avec le gouvernement car on va vers une augmentation de la sinistralité. Avant le CSE, 5 % des élus avaient recours à l’expert CHSCT. Aujourd’hui, on constate un recul de la prévention et du dialogue social, puisqu’on a moins de monde avec plus de problèmes à traiter. »

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Catherine Allemand de Syndex. Photo : Sébastien Delarque.

Pour Catherine Allemand du cabinet Syndex, la centralisation des instances en un comité social et économique augmente la charge de travail sur les élus qui restent. Il est donc indispensable de « leur donner des outils ». L’idée de la consultante est d’ « instaurer un point annuel, un état des lieux » sur la santé et la sécurité dans l’entreprise « qui pourrait être fixé lors de la consultation sur la politique sociale » est servir d’étape d’ajustement de l’organisation et des actions du comité.

 

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Quatre propositions pour préserver la santé et la sécurité des salariés

  1. Réintégrer dans les missions du CSE celle de contribuer à la prévention, à la protection de la santé physique et mentale et à la sécurité des travailleurs. Incluse dans les missions du CE, elle a en effet été supprimée avec la création du CSE et la suppression du CHSCT.
  2. Supprimer la participation financière de 20 % dont le CSE doit s’acquitter en cas d’expertise sur un projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, et l’expertise sur l’analyse des orientations stratégiques. L’objectif est de rétablir une égalité de moyens entre les CSE et favoriser la prévention primaire.
  3. Renforcer le statut des représentants de proximité et le rôle des membres de la commission SSCT notamment concernant les temps d’enquête et d’inspection.
  4. Rendre obligatoire la commission santé, sécurité et conditions de travail ou CSSCT dans toutes les entreprises employant 100 salariés et plus.


Témoignages d’élus de CSE. Négocier au moins les mêmes moyens qu’avant

Chez les Laboratoires Servier, la mise en place du CSE a été négociée et les rôles répartis. Les risques chimiques étant forts, il a été obtenu que la commission SSCT soit dotée d’un élu supplémentaire aux trois élus réglementaires pour préserver le lien de proximité avec les sites. Concernant les réunions, « il est important de négocier les mêmes moyens qu’avant » précise Sylvie Descombes, élue au CSE. Les quatre réunions annuelles de la CHSCT ont été préservées au sein de la CSSCT et si une question de santé et de sécurité doit être abordée en CSE, les suppléants sont présents à la réunion. Dans le cas contraire, seuls les titulaires assistent à la réunion.

Chez Sopra Steria, société d’ingénierie informatique de 18 000 salariés répartis dans huit sociétés et 50 sites, huit CSE ont été obtenus. De la même manière que dans la société Servier, le modèle de mise en place en cours de négociation, a été calqué sur le fonctionnement des anciennes instances représentatives du personnel (IRP). Le problème est qu’au final, il y aura 50 % d’élus en moins.  « Notre objectif est d’essayer de perdre le moins possible de liens de proximité » commente Donnatella Coraggio, élue CFDT.

 

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Jean-Paul Vouiller, élu au CE de Hewlett Packard confirme le sentiment que cette réforme aura des incidences sur la santé et la sécurité au travail. Dans l’entreprise, l’accord CSE a été signé le 15 mars 2019 pour une application en décembre 2019. Les négociateurs n’ont pu obtenir la présence des suppléants ni des représentants de proximité aux réunions du CSE et les commissions SSCT seront au nombre de trois.

Ronald Schouller, élu FO chez Angers Loire Habitat constate que dans cet office public de l’habitat, 70 % des salariés sont syndiqués et les élections partielles recueillent 80 % de participation. Ainsi, à l’issue de la négociation, quatre élus ont été obtenus pour la CSSCT, malgré le fait que l’entreprise compte moins de 300 salariés. Revers de la médaille : « Nous sommes passés de 50 h à 23 h par mois » déplore le syndicaliste, ajoutant que « Pour être élu aujourd’hui il faut être particulièrement combatif »

 

ASC et CSE. Le piège du pouvoir d’achat contre l’argument du pouvoir d’accès aux ASC

Rendre les activités sociales et culturelles accessibles à tous était le sujet de la deuxième table ronde en présence d’une experte et de plusieurs représentants de salariés.

« Dans le terme ASC, il y a le mot social, rappelle Catherine Bouillard du Réseau inter-CE Cezam, militante d’un « pouvoir d’accès aux ASC » et pourfendeuse du « pouvoir d’achat » trop souvent brandi comme argument par les élus du personnel. Après avoir rappelé que 25 % des comités d’entreprises actuels n’auraient pas de budget ASC, l’experte pense que la question centrale qu’un élu devrait se poser sur les activités sociales et culturelles est « qui en bénéfice, qui n’en bénéficie pas dans l’entreprise ? ». Elle ajoute que si la définition de l’Urssaf est très restrictive en termes d’activités, elle ne doit pas pour autant empêcher le comité de faire des actions qui sont soumises à cotisation (30 à 40 %). « Les élus ont le pouvoir de faire des choix ! »

Les retours des élus du personnel qui ont négocié la mise en place de leur comité social et économiques se recoupent : si le nombre d’élus chute, le fonctionnement du comité sur les activités sociales et culturelles reste souvent équivalent à celui du comité d’entreprise. A l’Ifremer par exemple, 1400 salariés dont 300 à Nantes, le nombre d’élus est passé de 96 élus titulaires à 55 titulaires au CSE, mais le budget ASC est resté à hauteur de 1,7 % de la masse salariale, tout comme chez Axa XL Re Europe, société de réassurance.

Trois propositions pour rendre les activités sociales et culturelles accessibles à tous

  1. Sécuriser juridiquement le régime des ASC, en préserver le niveau et donner plus de lisibilité aux CSE et aux entreprises
  2. Instaurer un taux minimal de la masse salariale consacrée aux activités sociales et culturelles du CSE dans toutes les entreprises du privé et dans les fonctions publiques.
  3. Créer « un droit d’accompagnement » de la politique sociale et culturelle des CSE au sein des entreprises, pour valoriser l’action des élus.

 

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« Un élu du personnel qui ne se forme pas ne sert à rien »

Garantir le rôle du comité social et économique par l’émergence de nouvelles pratiques était le sujet de la troisième table ronde.

Pour Gabriel Papp, délégué syndical central chez Altran, le CSE est un piège dont on peut sortir à condition de se professionnaliser. « Pour avancer, nos élus sont devenus procéduriers, raconte le syndicaliste. Comment voulez-vous assumer la charge des mandats sans vous former ? Comment négocier les moyens, le CSE et le PAP (protocole d’accord préélectoral) et par ailleurs faire appel à un expert ?

Boris Mazzocut, délégué syndical chez Framatome, confirme : « Un élu qui ne se forme pas est un élu qui ne sert à rien ».
Au sujet des activités sociales et culturelles, il rappelle que les salariés sont de plus en plus individualistes, qu’ils ne veulent pas partir en vacances avec leurs collègues et que la question qui revient de leur part est « à combien j’ai droit ? » quand ils s’adressent au comité d’entreprise, confortant son image de distributeur de pouvoir d’achat aux salariés.
Le problème est qu’au cours des négociations obligatoires, le niveau important du budget des ASC (1 000 euros par personne) est un argument de la direction pour ne pas augmenter les salaires.
Sur un autre plan, dans l’éventualité qu’un projet d’expertise CHSCT soit en réflexion, il faut admettre que comme la direction, le comité d’entreprise ou le CSE, est obligé de raisonner au « coût ». En effet, si l’expertise est votée, quel budget restera-t-il à la fin de l’année pour le reste des activités du comité ?

 

Quatre propositions pour faire émerger de nouvelles pratiques garantissant le rôle du comité social et économique

  1. Renforcer les droits à la formation des élus du CSE, notamment par des dispositifs activables chaque année tout au long du mandat
  2. Instaurer (rétablir) une réunion du CSE au début d’une consultation récurrente et des délais plus importants, de trois mois minimum, pour permettre aux élus du comité de mieux traiter les sujets
  3. Pour les entreprises multi-établissements, favoriser les représentations au niveau local et les articulations entre les différents niveaux de la représentation (CSE central, d’établissement, commission SSCT, représentants de proximité)
  4. Renforcer les prérogatives des CSE d’établissements, en matière d’information et de consultation du CSE, notamment sur le thème de la politique sociale pour renforcer la proximité avec les salariés.

 

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Paroles de syndicats : la formation des élus du personnel, l’atout essentiel d’un CSE

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Philippe Portier, CFDT ; Philippe Louis CFTC ; Angeline Barth CGT ; Roxane Idoudi FO ; Florence Dodin Unsa.

 

 

 

 

 

 

 

 

Les représentants des principaux syndicats sont venus exprimer leur opinion sur l’avenir du comité social et économique, les uns et les autres laissant émerger la même idée : la formation des élus, la professionnalisation pour certains, est essentielle pour garder un niveau de négociation et de dialogue social à la hauteur des enjeux dans l’entreprise. Citations.

François Hommeril, CFE-CGC
« En supprimant le CHSCT, le pragmatisme a manqué au gouvernement, mais il va s’imposer de lui-même et au final il devra s’inspirer de la réalité.(…)
Il est essentiel que les décisions prises par l’entreprise le soient en considération des intérêts des salariés. »

Philippe Portier, CFDT
« Essayons d’inventer le dialogue social de demain. Il existe des formations communes aux employeurs et aux représentants syndicaux qui peuvent être organisées et faire avancer le dialogue social »

Philippe Louis président CFTC
« Il faut que les membres de la délégation du personnel se professionnalisent et se forment à la manière de négocier les moyens et la mise en place du CSE »

roxane idoudi FO

Roxane Idoudi de FO

Roxane Idoudi, FO
« Il n’existe pas de feuille de route pour faciliter le passage au CSE. Il faut se former à la négociation pour continuer à revendiquer et à déjouer certaines erreurs ».

Florence Dodin, Unsa
« Il faut se former à la négociation et se professionnaliser. Avec la complexité des missions de chaque membre élu d’un CSE, on est obligé d’en passer par là. »

angeline barth CGT

Angeline Barth de la CGT.

Angeline Barth, CGT
« La professionnalisation, ce n’est pas un bon signe. C’est éloigner les élus du personnel du terrain et de toute base revendicative. La formation en revanche est indispensable. »

 

 

 

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