Crise sanitaire et e-dialogue social ou l’adaptation des partenaires sociaux

Sommaire

Pendant la crise sanitaire 2020 liée à la pandémie du Covid-19, le fonctionnement du dialogue social a été bousculé par le confinement et les règles sanitaires en vigueur. L’observatoire du dialogue social de la fondation Jean Jaurès a mené une étude sur les pratiques.

 

e-dialogue social

L’e-dialogue social a émergé, sous la contrainte, pendant la crise sanitaire. Il ouvre une nouvelle étape dans les pratiques en entreprise. Photo : Unsplash

Menée d’avril à fin juin 2021*, cette enquête a abouti à plusieurs constats que l’on pourrait résumer en trois mots : contraintes, adaptation et modifications des pratiques.

 

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La transformation rapide des pratiques du dialogue social

L’enquête a conclu à plusieurs observations au travers du questionnaire et des entretiens.

1. l’e-dialogue social peut être assimilé à une « expérimentation à marche forcée ». Élus et directions ont dû adapter leurs pratiques en fonction de leurs besoins et au fil des réunions. La crise sanitaire a poussé à une intensification et la systématisation de leur usage, provoquant, selon les acteurs soit une « une bonne douche froide », soit « une période à la fois traumatisante et enrichissante ». L’apprentissage des outils se faisant au fur et à mesure et les manières de pratiques étant différentes dans chaque entreprise étudiée.

2. l’e-dialogue social est un fait nouveau, ses acteurs se sont adaptés pour continuer à faire vivre la démocratie sociale. En conséquence les rapports entre les salariés, leurs représentants et les équipes de la direction ont été modifiés. Un élu témoigne dans l’enquête : « Ils ont accepté la dégradation de la productivité. La direction a dit à un moment : « Stop. Vous faites ce que vous pouvez, on ne peut plus avoir les mêmes exigences. (…) J’ai trouvé qu’il y a eu un élan de solidarité ».

3. la forme des réunions a changé, causant une modification de la qualité perçue du dialogue social. De réunions en présence de tous les acteurs, nous sommes passés à des réunions virtuelles où la présence n’est plus obligatoire. A la place du lieu où chacun met en scène ses postures et incarne ses propos, le numérique vient reconfigurer l’espace et modifier les interactions (impossible de parler en même temps, qualité sonore variable, l’individu est coupé de son collectif…). Comme le décrit un élu, un échange à distance a ses spécificités : « Si je tape sur la table là, vous n’en avez rien à fiche ou alors vous entendez un vague bruit (…) Je pense qu’on pose des actes et des gestes et que ça doit être incarné. La négociation majeure, celle qui implique la vie des gens à terme nécessite la présence physique ».

4. l’e-dialogue social ne peut pas se substituer totalement à la forme historique, même s’il a été efficace en réponse à la crise sanitaire. Une articulation entre l’ancien et le nouveau est donc nécessaire, mais l’équilibre est difficile à trouver, comme le suggère le témoigne d’un DRH dans le cadre de l’enquête : « L’hybride, c’est ingérable, parce que les gens dans la salle ne regardent pas sur les écrans ceux qui souhaitent prendre la parole. Ils la prennent de façon spontanée donc c’est ingérable. (…) En visioconférence, c’est une autre administration de la parole et c’est ça qui est intéressant dans les outils électroniques, ils sont obligés de s’écouter. Ils lèvent la main, je donne la parole en fonction de l’ordre établi par ordinateur. Tandis que dans les assemblées, quand il y a de la spontanéité, c’est la plus grande gueule qui prend la parole pour tout le monde. »

5. L’émergence de nouvelles formes de communication entre salariés, représentants du personnel et direction dans le but de maintenir les relations de proximité. L’étude donne à lire plusieurs témoignages d’élus et de responsables RH.

 

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Qu’est-ce que l’e-dialogue social ?

 

Selon la définition donnée par le groupe de travail de la fondation Jean Jaurès, le e-dialogue social, om « dialogue social connecté » ou « dématérialisé », est l’une des formes qu’a prise le dialogue social à la suite du confinement de mars 2020.
Il a été l’occasion pour les partenaires sociaux d’expérimenter en « sur régime », les nouveaux outils numériques, seuls à même de maintenir le dialogue social pendant cette période. La crise peut être considérée comme « la genèse d’un développement plus large de nouvelles pratiques » pour le dialogue social et le télétravail.

 

Des questions sur le dialogue social de demain

La période de chamboulement et d’adaptation étant très récente, il nous manque forcément du recul sur les conséquences de la crise et de nombreuses interrogations restent posées par les auteurs de l’étude.

Quelle place le dialogue social numérique va-t-il prendre dans les entreprises dans le cadre d’un retour à une situation sanitaire et de relations sociales « normales » ?
La qualité du dialogue social numérique reposant sur les relations préexistantes, qu’en sera-t-il des entreprises où il est dégradé ?
Le numérique favorisant plus d’horizontalité dans les organisations, sa présence plus importante va-t-elle avoir des conséquences sur l’organisation des entreprises et des organiations syndicales ?
N’y a-t-il pas un risque de contournement des instances représentatives du personnel et de la démocratie sociale ?
Et toutes les questions relatives au collectif , aux interactions, aux formes de luttes sociales, à l’impact écologique, etc.

Une nouvelle enquête menée dans quelques années serait la bienvenue pour pouvoir comparer les pratiques et les ressentis avec les constats posés à la sortie de la crise, en cette année 2021.

 

*Enquête réalisée par un groupe de travail, de début avril 2021 à fin juin 2021 au travers d’un questionnaire auquel ont répondu 122 personnes issues de 112 entreprises réparties sur tout le territoire français et représentant plus de 60 conventions collectives différentes. 80 % des répondants étaient des élus du personnel, 20 % étaient des représentants de direction. Des entretiens qualitatifs ont complété ce questionnaire auprès de sept entreprises de secteurs divers.

Source : étude fondation Jean Jaurès