Observatoire de la discrimination syndicale : la CFE-CGC adhère

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Le syndicat de l’encadrement, la CFE-CGC vient de rejoindre les membres de l’Observatoire de la répression et de la discrimination syndicale, aux côtés de FO, la CGT, la FSU, la CFTC et Solidaires. C’est l’occasion de rappeler, avec l’animateur de l’ODRS, Didier Gélot,  le rôle de cet observatoire créé en 2011.

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Image tirée du site www.fondation-copernic.org

Alors que les ordonnances relatives au « renforcement du dialogue social » annoncent la création d’un observatoire de la négociation, avec un volet sur la discrimination syndicale, le syndicat CFE-CGC a rejoint l’Observatoire de la répression et de la discrimination syndicale. L’annonce a été faite lors d’une journée d’études consacrée à « la représentation des travailleurs à l’heure de la démocratie sociale » à l’ISST de Bourg-la-Reine*. Voici l’éclairage de Didier Gélot sur l’ODRS.

L’origine de l’ODRS : rendre visible et dénoncer les pratiques de discrimination

« Être syndiqué et/ou disposer d’un mandat syndical, c’est bien souvent faire l’expérience de la répression et de la discrimination. Ce déni de démocratie bénéficie trop souvent de la passivité des pouvoirs publics, alors que le droit d’adhérer à une organisation syndicale de son choix est reconnu par la Constitution. C’est pourquoi la Fondation Copernic a proposé à la CFTC, la CGT, FO, la FSU et Solidaires ainsi qu’au syndicat des avocats de France (SAF) et au syndicat de la magistrature, avec l’appui de nombreux chercheurs, de créer en 2011, un Observatoire de la répression et de la discrimination syndicales (ODRS), qui a été rejoint en 2017 par la CFE-CGC.

L’objectif de l’observatoire est de rendre visible un problème largement occulté, trop rarement pris en compte par les études menées sur le champ des relations professionnelles, voire purement et simplement nié par le patronat lui même. Au-delà de la mise à jour et de la dénonciation de pratiques patronales antisyndicales, l’ODRS s’attache à concourir à la production d’une information la plus complète possible dans ce domaine. »

Les chiffres de la discrimination syndicale

30 % des élus syndiqués et 40 % des délégués syndicaux considèrent que l’exercice de leur mandat représente un frein à leur carrière, ce qui montre l’importance du phénomène.Un délégué syndical gagne en moyenne 10 % de moins qu’un salarié non syndiqué ayant le même profil. Pour Didier Gélot, ces quelques chiffres suffisent à montrer que le droit syndical est aujourd’hui encore particulièrement difficile à exercer en France. La connaissance dans ce domaine restant très partielle, la création de l’ODRS en est légitimée.

L’arrivée de la CFE CGC est la preuve de l’utilité de l’observatoire 

« Pour nous ce renforcement de l’Observatoire est la preuve de son utilité et de sa forte reconnaissance par les acteurs syndicaux. L’action contre les discriminations syndicales doit être l’œuvre de l’ensemble des forces syndicales. Il fait enfin apparaître que les cadres sont, comme les ouvriers et les employés, victimes des politiques patronales de déni des droits syndicaux. L’employeur accepte très mal que l’encadrement de proximité en particulier, puisse ne pas se plier aux politiques managériales visant à maintenir son pouvoir exclusif. »

Les chiffres ? C’est à l’Etat de se donner les moyens de mesurer les discriminations syndicales 

« La question de la mesure chiffrée de la discrimination et de la répression syndicales est sans aucun doute le sujet le plus compliqué pour nous et pour l’ensemble du mouvement syndical. Par nature même, les syndicalistes qui en sont les premières victimes hésitent à le faire savoir, et à porter devant la justice (prud’homale en particulier) les discriminations dont ils sont l’objet. Les organisations syndicales (OS) elles-mêmes ont de fait beaucoup de mal à faire remonter ce types de données.

Pour autant, en plus des données présentes sur notre site, nous cherchons à construire avec les OS parties prenantes de l’ODRS, un système statistique de dénombrement de ces phénomènes. Cependant, c’est selon nous, à l’Etat et aux services de la statistique publique de se donner les moyens de construire un outil d’observation des discriminations syndicales, comme il le fait pour l’observation et la mesure d’autres phénomènes sociaux, comme la délinquance par exemple. Lorsque cela sera le cas, espérons-le, notre mission n’aura plus lieu d’être. »

C’est aux organisations syndicales de défendre individuellement leurs adhérents

« L’observatoire peut-il aider individuellement les syndicalistes ? « La réponse à cette question est clairement non. Notre mission n’est pas de se substituer aux organisations syndicales dans la défense de leurs adhérents ou des salariés discriminés en raison de leurs activités syndicales. Nous n’en avons ni la volonté ni les moyens. Nous sommes, et c’est déjà un gros travail, un lieu de mise au jour des discriminations. »

L’observatoire recense les discriminations et remplit son rôle d’information

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Didier Gélot, animateur à l’ODRS.

« Dans le cadre des missions qu’il s’est fixé, l’Observatoire a publié en 2012 un rapport sur l’état de la discrimination et de la répression en matière syndicale. Ce rapport contient plus de 37 propositions pour l’amélioration de la connaissance du phénomène et pour une meilleure défense des personnes. L’ODRS informe également régulièrement sur les travaux et les avancées de la connaissance en matière juridique, sociologique et économique dans son domaine d’expertise. Il récence, autant que possible, les cas les plus emblématiques de répression syndicale dont il a connaissance. Nous avons par ailleurs organisé plusieurs colloques, dont les actes sont également disponibles sur le site, en 2012 au Cese, en 2013 au Conseil régional d’Île-de-France et ce mois d’octobre 2017 en partenariat avec l’institut de sciences sociales du travail de l’université Paris 1. »

Quel bilan ? Notre action a porté ses fruits avec des rapports, des journées de sensibilisation…, mais beaucoup de chemin reste à faire.

« L’action que nous avons mené depuis maintenant 5 ans a certainement participé à faire bouger les lignes. Nous avons rencontré le Défenseur des droits et les cabinets des ministres de la justice et du travail, en particulier autour de nos 37 propositions. En juin 2017, à notre demande, s’est tenue une journée du Conseil national de l’information statistique sur les discriminations en entreprise et notamment sur les discriminations syndicales. Il s’agissait de pousser les organismes statistiques publics à prendre en charge le dénombrement de ces phénomènes. Mais visiblement il reste beaucoup de chemin à faire.

En parallèle, et c’est en partie le fruit de notre action, en 2016 ont été publiés deux numéros de la revue du Ministère du travail sur les discriminations syndicales en France et à l’étranger. De même en  2017, le Cese a rédigé un avis sur le même thème. Tout ceci prouve que cette question, jusque-là totalement absente du débat social, est aujourd’hui reconnue comme pertinente. »

Quel projet ? Des sessions de formation pour les syndicalistes

« Pour autant, les discriminations et la répression ne faiblissent pas, et les exemples de répression envers les militants syndicaux ne manquent pas. Nous envisageons de monter des sessions de formation des syndicalistes sur ce thème et de construire, si possible, un réseau de correspondants syndicalistes, afin de mieux recenser les cas de discrimination. »

Nous attendons du futur observatoire de la négociation

« Nous attendons avec intérêt la création de l’observatoire prévu par les ordonnances Macron. Pour autant nous sommes dubitatifs quant à ses missions et à sa capacité à produire une information pertinente dans ce domaine, lorsque l’on voit comment les ordonnances sur la loi travail auront pour conséquences d’affaiblir le syndicalisme en entreprise. Mais si le Gouvernement se saisit de cette question, c’est tant mieux. Nous attendons de voir…. »

Didier Gélot, animateur de l’ODRS 

*ISST : Institut des sciences sociales du travail, Université Paris I Panthéon Sorbonne.

Le site de l’ODRS : http://observatoire-repression-syndicale.org/

 

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