Négociations obligatoires : ce qu’il faut retenir

Sommaire

Les ordonnances Travail ont donné aux partenaires sociaux les moyens d’adapter le contenu et la périodicité des négociations récurrentes obligatoires. Jusqu’où peuvent-ils aller ? Quels sont les avantages et inconvénients d’une telle démarche ?

Aujourd’hui comme avant les ordonnances Travail ou ordonnances Macron de septembre 2017, les entreprises sont soumises à des obligations de négocier. Elles doivent en effet engager régulièrement des discussions sur trois grands blocs thématiques :

  • Dans les entreprises de 50 salariés et plus, sur la rémunération, le temps de travail et le partage de la valeur ajoutée d’une part, l’égalité professionnelle et la qualité de vie au travail d’autre part.
  • Dans les entreprises de 300 salariés et plus, sur la gestion des emplois et des parcours professionnels.

negociation obligatoirePrécisons que seules les entreprises où des délégués syndicaux sont présents sont soumises à ces obligations.

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Les différentes modalités de validation d’un accord d’entreprise
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Un cadre de négociation… négociable

Néanmoins, la loi permet aux partenaires sociaux de fixer ensemble la mise en pratique concrète de cette obligation. Un accord d’entreprise peut en effet déterminer :

  • le contenu et la périodicité des négociations ;
  • le calendrier et les modalités de négociation (lieu, informations remises aux négociateurs, suivi des engagements, etc.)

Attention, l’accord doit toutefois respecter certaines limites :

  • Il n’est pas possible de supprimer de bloc de négociation, en revanche, on peut en adapter le contenu. Par ailleurs, sont obligatoires : la négociation sur les salaires effectifs et celle sur l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, au risque pour l’entreprise de devoir s’acquitter de pénalités (voir plus bas).
  • La périodicité des négociations ne peut dépasser quatre ans. En revanche, il est possible de fixer des périodicités différentes selon les thématiques.

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Une grande liberté est donc laissée aux partenaires sociaux qui peuvent, selon les enjeux et le contexte de l’entreprise, décider de donner la priorité à certains sujets, et de réduire le temps de négociation consacré à d’autres. Par exemple, une entreprise pourra ainsi négocier tous les ans sur la rémunération, le temps de travail et le partage de la valeur ajoutée, tous les trois ans sur l’égalité professionnelle et la QVT, et tous les quatre ans sur les parcours professionnels.

 

Quelles sont les pénalités en l’absence de négociation ?

L’employeur a l’obligation d’ouvrir des négociations sur chacun des deux ou trois blocs thématiques (selon son effectif). À défaut, il commet un délit d’entrave.

La loi prévoit aussi des sanctions financières en l’absence de négociation :

  • en matière de salaires effectifs, la pénalité peut aller jusqu’à 100 % des exonérations de cotisations sociales ;
  • en matière d’égalité professionnelle, une entreprise qui ne conclut pas d’accord doit établir un plan d’action. Sans accord ni plan d’action, elle peut se voir infliger une amende s’élevant au plus de 1 % de la masse salariale.

 

Le minimum légal en négociation : quid de l’absence d’accord ?

Si les partenaires sociaux n’ont pas conclu d’accord sur le contenu et la périodicité des négociations obligatoires, les dispositions supplétives du code du travail s’appliquent. Les entreprises sont alors tenues de négocier selon les dispositions suivantes :

Bloc de négociation Entreprises concernées Périodicité Contenu obligatoire
Rémunération, temps de travail et partage de la valeur ajoutée Entreprises de 50 salariés et plus Tous les ans –       salaires effectifs,

–       durée effective et organisation du temps de travail, notamment la mise en place du temps partiel,

–       intéressement, participation et épargne salariale,

–       suivi des mesures visant à supprimer les écarts de rémunération et les différences de déroulement de carrière entre les femmes et les hommes.

Égalité professionnelle et qualité de vie au travail

 

 

 

 

Pour les entreprises concernées, la négociation sur la pénibilité peut figurer dans ce bloc.

Entreprises de 50 salariés et plus Tous les ans –       articulation entre la vie personnelle et la vie professionnelle,

–       égalité professionnelle (suppression des écarts de rémunération, d’accès à l’emploi et à la formation, de promotion…),

–       lutte contre les discriminations,

–       emploi des travailleurs handicapés,

–       prévoyance,

–       droit d’expression,

–       droit à la déconnexion.

 

Gestion des emplois et des parcours professionnels Entreprises de 300 salariés et plus Tous les trois ans –       GPEC,

–       orientations à trois ans de la formation professionnelle,

–       diminution du recours aux contrats précaires,

–       information des entreprises sous-traitantes des orientations stratégiques de l’employeur,

–       déroulement de carrière et exercice des fonctions des salariés mandatés.

Étant données la richesse des sujets et la périodicité prévue par ces dispositions supplétives, on voit bien l’intérêt des entreprises à conclure un accord d’adaptation qui pourrait alléger ses obligations en la matière.

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Mais selon le contexte et la situation de l’entreprise, une telle négociation peut aussi avoir un intérêt pour les syndicats en leur évitant de s’épuiser dans des négociations formelles pour mettre leur énergie dans des sujets où les enjeux sont les plus importants. Dans certains secteurs, il pourra être judicieux, par exemple, de négocier tous les ans sur la résorption de l’emploi précaire, et tous les deux ou trois ans sur la QVT, etc.

Cette négociation peut aussi être l’occasion de faire le point avec l’employeur sur les sujets prioritaires pour les salariés, ou de négocier des moyens spécifiques pour la négociation.

Une expertise légale pour la négociation sur l’égalité professionnelle

Dans les entreprises de 300 salariés et plus, les syndicats peuvent bénéficier de l’appui d’un expert pour les accompagner dans la négociation de l’égalité professionnelle. Cet expert, mandaté par le CSE, est rémunéré à 80 % par l’employeur et à 20 % par le CSE.

À noter que si aucune donnée relative à l’égalité professionnelle n’est renseignée dans la BDES, l’employeur devra prendre en charge la totalité des frais.

À l’inverse, les syndicats devront être vigilants à ne pas trop espacer certaines négociations. Les salariés comprendraient mal que les partenaires sociaux abordent seulement tous les trois ans des augmentations de salaire. De même, il est important de renégocier régulièrement certaines thématiques, comme l’égalité professionnelle, pour se donner la possibilité d’ajuster rapidement les mesures qui s’avéreraient inefficaces ou insuffisantes, sans laisser la situation se dégrader.

 

Élodie Sarfati
À savoir égal
Agence de digital learning en social-RH

 

 

Références :
Article L.2242-1 et suivants du code du travail
Sur les dispositions d’ordre public : articles L. 2242-1 à L. 2242-9
Sur le champ de la négociation collective : articles L. 2242-10 à L. 2242-12
Sur les dispositions supplétives applicables à défaut d’accord d’adaptation du dialogue social : articles L. 2242-13 à L. 2242-21.

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