Expertise pour projet important : dans quels cas y recourir ?

Sommaire

Le CSE peut décider de recourir à une expertise en cas d’introduction de nouvelles technologies dans l’entreprise ou de projet important ayant des conséquences sur la santé et les conditions de travail des salariés. Focus sur cette notion complexe, encadrée par la jurisprudence.

En cas d’introduction de nouvelles technologies ou de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, le comité social et économique peut décider de recourir à une expertise. Tel est, à côté de la notion de risque grave, l’autre principal motif de recours à un expert par les CSE dans le champ du travail.

 

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L’expertise pour projet important : une décision à prendre au stade de l’information

expertise pour projet important

L’expertise pour projet important est prise en charge à 80 % par l’employeur, à 20 % par le budget de fonctionnement du CSE. Photo : Unsplash.

A la différence de l’expertise pour risque grave qui peut être déclenchée à tout moment, l’expertise pour projet important s’inscrit dans le cadre de l’information-consultation du CSE. En effet, le code du travail précise que le comité social et économique doit être de toute manière consulté sur « l’introduction de nouvelles technologies » et « tout aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail » (article L2312-8).

L’expertise pour projet important permet ainsi d’enrichir l’avis que le comité devra formuler à ce sujet. Ainsi, « le CSE doit décider de faire appel à un expert avant de rendre un avis, ce qui signifie que la décision doit être prise au stade de l’information. (…) Il est impératif de faire précéder ce recours à l’expertise d’une discussion sur le projet », précise le cabinet d’expertise Émergences, dans une note dédiée à ce sujet*.

 

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La notion de « projet important » dans le cadre de l’expertise CSE

Reste à résoudre une autre question clef : qu’est-ce qu’un projet important ? Sur ce sujet, le code du travail ne donne aucune définition précise, laissant à la jurisprudence le soin de trancher. Un projet est important en ce qu’il a une incidence sur la rémunération, les horaires ou les conditions de travail des salariés. Dans un bulletin d’information** datant de 2013, la cour de cassation a tenté d’éclaircir davantage cette notion complexe.

Ainsi, « l’évaluation des salariés, l’introduction de nouvelles technologies, les restructurations internes et externes avec changement de lieu de travail, d’outil de travail, de méthode de travail, avec changement d’employeur, sont le plus souvent rangées dans la catégorie des projets importants », peut-on y lire.

Par conséquent, l’augmentation du nombre des périodes d’astreintes, le changement d’horaires affectant les salariés postés, le recours à la sous-traitance, la réorganisation des forces de vente sont des motifs de recours à une expertise pour projet important.

 

Les risques psychosociaux sont un motif valable d’expertise

La qualification de projet important ne dépend pas du nombre de salariés concernés. « Un projet de restructuration entraînant un transfert de salariés peut donner lieu à une expertise, quand bien même les conditions de travail concernent un petit nombre d’entre eux (une vingtaine seulement risquait d’être affectée) », souligne encore la Haute cour dans le cadre d’une affaire à juger.

« La cour de cassation a déjà été conduite, par le passé, à interpréter le cas du recours à l’expertise pour projet important modifiant les conditions de travail comme incluant l’hypothèse des réorganisations et restructurations d’entreprise. L’un des arguments admissibles porte sur le stress que peuvent occasionner ces transformations auprès des salariés concernés, stress susceptible de porter atteinte à leur santé et à leur sécurité au travail », fait aussi valoir la CGT***.

 

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Exemples de cas exclus de l’expertise CSE pour projet important

Cependant, tout changement ne justifie pas le recours à une expertise. La justice a ainsi pu invalider un recours en cas de « projet réorganisant certains services d’une grande surface alimentaire et introduisant une plus grande polyvalence ». En effet son impact sur les conditions de travail, les horaires et la rémunération n’avait pas été démontré.

La même réponse négative a pu être donnée dans des cas de mise en œuvre d’un système de géolocalisation, de décision d’implantation d’un logiciel informatique constituant une version améliorée d’un outil déjà en application, de suppression d’un poste, à la suite du départ à la retraite de son titulaire, et son transfert sur un autre site, ou encore d’une redistribution et d’un réaménagement de bureaux au sein d’un même bâtiment.

 

Délai d’expertise porté à deux mois

En cas de recours à une telle expertise, le délai dont dispose le comité social et économique, en l’absence d’accord, pour rendre un avis sur le projet n’est plus d’un seul mois mais de deux mois, voire trois en cas d’intervention d’une ou plusieurs expertises dans le cadre de consultation se déroulant à la fois au niveau du CSE central et d’un ou plusieurs CSE d’établissement.

Rappelons aussi que le coût d’une expertise pour projet important est pris en charge par le CSE, sur son budget de fonctionnement, à hauteur de 20 %, et par l’employeur, à hauteur de 80 %.

 

Catherine Abou El Khair

 

*http://emergences.work/0/1/63/71/736_1540804143.pdf

**https://www.courdecassation.fr/publications_26/bulletin_information_cour_cassation_27/bulletins_information_2013_4479/n_787_4701/theme_n_3_4691/

*** http://ledroitouvrier.cgt.fr/IMG/pdf/201407_doctrine_charbonneau.pdf