Le point de vue du CSE entre opportunité, vigilance et évolution du dialogue social
Depuis la crise sanitaire de 2020, le télétravail s’est imposé comme une nouvelle norme dans de nombreuses entreprises. Plébiscité par une majorité de salariés pour sa flexibilité et son impact sur la qualité de vie, il a également modifié en profondeur l’organisation du travail, la gestion managériale et le dialogue social.
Aujourd’hui, alors que certains employeurs tentent de revenir au « tout présentiel », d’autres font évoluer leurs pratiques vers des modèles hybrides plus pérennes. Dans ce contexte de transformation continue, les représentants du personnel s’interrogent : faut-il poursuivre, encadrer ou freiner le développement du télétravail ?
1. Télétravail : un droit, mais pas un dû
Le télétravail n’est pas un droit automatique du salarié, mais une modalité d’organisation du travail encadrée par l’article L1222-9 du Code du travail.
Il peut être mis en place :
- Par accord collectif ou charte élaborée après avis du CSE,
- Ou par accord individuel entre salarié et employeur.
À retenir pour le CSE :
- Le CSE est obligatoirement consulté sur la mise en œuvre ou la modification des modalités du télétravail.
- En l’absence d’accord collectif, l’employeur doit rédiger une charte après avoir recueilli l’avis du CSE.
2. Les bénéfices du télétravail… mais pas pour tous
Avantages constatés :
- Réduction du temps de transport, source de bien-être et de productivité.
- Meilleure concentration et flexibilité.
- Baisse de l’empreinte carbone liée aux déplacements.
- Équilibre vie pro/vie perso renforcé pour certains salariés.
Inconvénients observés :
- Isolement, perte de lien social, risques psychosociaux accrus.
- Déséquilibres d’accès : inégalités entre télétravailleurs et non-télétravailleurs (ex : ouvriers ou personnels logistiques).
- Difficultés à encadrer la charge de travail et à garantir le droit à la déconnexion.
En tant que CSE, il est essentiel de défendre une application équitable et négociée du télétravail, sans qu’il devienne un facteur d’exclusion ou de précarisation.
3. Vers un modèle hybride : l’heure de la négociation
De nombreuses entreprises adoptent désormais un modèle hybride mêlant présence sur site et télétravail. Pour être viable, ce modèle suppose un cadre clair, négocié avec les partenaires sociaux.
Points clés à négocier ou surveiller :
- Nombre de jours télétravaillables par semaine ou par mois.
- Critères d’éligibilité objectifs et non discriminants.
- Conditions d’équipement (ordinateur, fauteuil, écran, indemnité forfaitaire…).
- Prise en charge des frais professionnels (électricité, internet…).
- Garantie du droit à la déconnexion.
- Suivi de la charge de travail et du bien-être mental.
Le rôle du CSE : proposer un encadrement clair dans l’accord ou la charte, formuler des alertes en cas de surcharge ou de discriminations, veiller à la prévention des RPS (risques psychosociaux).
4. Les points de vigilance pour les élus du CSE
Surveillance managériale accrue
Certaines entreprises compensent la distance par un surcontrôle numérique (logiciels de suivi, captation de données, etc.). Le CSE peut exiger :
- Le respect de la vie privée,
- La consultation obligatoire en cas d’introduction de logiciels de surveillance,
- La mise en œuvre d’une politique de cybersécurité équilibrée.
Prévention des RPS
Le télétravail peut masquer certains signaux d’alerte : isolement, surcharge cognitive, hyperconnexion… Le CSE, via la commission SSCT, peut :
- Demander une évaluation des risques spécifiques au télétravail,
- Proposer des actions de prévention ciblées (formation, encadrement managérial, accompagnement RH).
Inégalités professionnelles
Le CSE doit être vigilant face à :
- L’exclusion de certains profils (jeunes, femmes, métiers support) du télétravail.
- Les effets collatéraux sur la progression de carrière, l’évaluation, ou les primes.
5. Stop ou encore ? Le rôle du CSE dans l’évolution du télétravail
Le télétravail n’est pas une fin en soi, mais un outil d’organisation. Il doit répondre à une double exigence : améliorer les conditions de travail sans dégrader le collectif ni accroître les inégalités.
Le CSE a un rôle central :
- Force de proposition pour adapter le télétravail aux réalités du terrain,
- Contrepoids aux décisions unilatérales de l’employeur,
- Interface entre salariés et direction pour recueillir les remontées et alerter en cas de dérive,
- Partenaire de la négociation collective, notamment sur les accords de télétravail et les pratiques managériales associées.
Alors, télétravail : stop ou encore ?
Ni l’un, ni l’autre. Le télétravail doit être encadré, équilibré, négocié. Il ne peut plus être une simple réponse d’urgence, mais un véritable levier de qualité de vie au travail, à condition d’associer pleinement les représentants du personnel à sa définition et son suivi.
Autres articles dans la même catégorie :
Avantages salariés : quelles nouveautés à proposer via le CSE pour la rentrée ?
CSE : comment préparer efficacement les réunions de rentrée ?
Rentrée 2025 : les priorités du CSE pour accompagner salariés et employeurs
Les congés payés décryptés : tout ce que vous devez savoir en tant qu’élu CSE
Loi DDADUE 2 : Renforcement et approfondissement du rôle du CSE sur les questions environnementales
Inclusion et handicap : les CSE moteurs d’une politique RH plus inclusive
Négociations obligatoires : les CSE à la manœuvre pour défendre le pouvoir d’achat
Publication du décret relatif à la protection des travailleurs contre les risques liés à la chaleur
Comment présider le CSE ? Le guide complet pour l'employeur ou son représentant
Le procès-verbal du CSE : guide complet pour comprendre, rédiger et diffuser