La transition écologique s’impose aujourd’hui comme un impératif incontournable pour les entreprises. Dans ce contexte, la loi DDADUE 2 (loi de transposition de directives européennes, adoptée en avril 2023) marque une étape significative dans l’intégration des enjeux environnementaux au sein du dialogue social. Cette législation renforce sensiblement le rôle du Comité Social et Économique (CSE) en matière d’environnement, traduisant ainsi une volonté politique d’associer pleinement les représentants du personnel aux transformations écologiques de l’entreprise.
Contexte de la loi DDADUE 2
La loi DDADUE 2 (Dispositions Diverses d’Adaptation au Droit de l’Union Européenne) vise à adapter le droit français aux évolutions du droit communautaire. Parmi ses nombreux volets, celui consacré à l’environnement dans les entreprises répond à plusieurs exigences européennes, notamment en matière de gouvernance climatique et de transparence environnementale.
Depuis la création du CSE par les ordonnances Macron de 2017, les représentants du personnel étaient déjà consultés sur des sujets pouvant avoir un impact environnemental. Cependant, ces dispositions étaient jugées insuffisamment contraignantes et peu précises. La loi DDADUE 2 vient donc combler ces lacunes, en donnant un cadre plus clair et plus ambitieux à l’intervention du CSE dans les décisions touchant à l’environnement.
Renforcement du rôle consultatif du CSE sur les enjeux environnementaux
L’un des apports majeurs de la loi est de formaliser et renforcer les prérogatives du CSE en matière environnementale dans les différentes consultations obligatoires :
1. Intégration explicite de l’environnement dans les trois grandes consultations annuelles
Les trois grandes consultations récurrentes du CSE – sur les orientations stratégiques de l’entreprise, la situation économique et financière, et la politique sociale – doivent désormais intégrer de manière explicite un volet environnemental :
- Orientations stratégiques : le CSE est consulté sur les impacts environnementaux des choix de développement, des investissements et des innovations technologiques.
- Situation économique et financière : analyse des conséquences des activités de l’entreprise sur l’environnement (émissions, consommation de ressources, gestion des déchets…).
- Politique sociale, emploi et conditions de travail : intégration des risques environnementaux dans les conditions de travail, notamment en lien avec les enjeux de santé.
2. Création d’un droit à l’expertise environnementale
Le CSE peut désormais recourir à un expert habilité pour analyser les conséquences environnementales d’un projet ou d’une politique de l’entreprise, dans les mêmes conditions que pour les expertises économique, sociale ou stratégique.
Ce droit d’expertise est particulièrement important dans le cadre :
- Des projets importants modifiant les conditions de travail ou d’emploi (ex : fermeture de site liée à la transition énergétique).
- Des réorganisations industrielles comportant des volets écologiques ou climatiques.
3. Possibilité de formation spécifique
La loi ouvre également la voie à une formation environnementale spécifique pour les élus du CSE, en plus de la formation économique et en santé-sécurité déjà obligatoire. Cette formation permettra aux représentants du personnel d’acquérir les compétences nécessaires pour appréhender les enjeux techniques et réglementaires liés à l’écologie.
Vers une codécision environnementale ?
Certains observateurs estiment que la loi DDADUE 2, sans instituer un droit de codécision, amorce une évolution vers une coparticipation accrue des salariés aux choix écologiques de l’entreprise. Le rôle du CSE pourrait à terme s’apparenter à celui des comités d’entreprise allemands, qui disposent d’un réel pouvoir d’influence sur les politiques environnementales.
Cependant, les marges de progression restent importantes. Le CSE conserve avant tout un rôle consultatif, sans pouvoir de veto ni d’obligation d’accord. De plus, l’efficacité de ces nouvelles prérogatives dépendra de l’engagement des entreprises et de la formation des élus.
Enjeux pratiques pour les entreprises et les CSE
Les entreprises devront rapidement adapter leurs pratiques de dialogue social pour se conformer aux exigences de la loi :
- Mise à jour des bases de données économiques, sociales et environnementales (BDESE) avec des indicateurs pertinents sur les impacts environnementaux.
- Intégration de l’environnement dans les documents d’information remis au CSE.
- Dialogue renforcé avec les représentants du personnel dans le cadre des projets de transformation (décarbonation, transition énergétique, etc.).
Pour leur part, les membres du CSE devront :
- Se former aux enjeux techniques et juridiques liés à l’environnement.
- Saisir les opportunités d’expertise et de dialogue offertes par la loi.
- Construire une stratégie d’intervention sur les sujets climatiques et écologiques.
La loi DDADUE 2 constitue une avancée notable dans la prise en compte des enjeux environnementaux dans le dialogue social. En renforçant le rôle du CSE, elle reconnaît aux représentants du personnel une légitimité nouvelle dans la transition écologique de l’entreprise. Reste à voir si ce cadre légal sera pleinement exploité par les acteurs du monde du travail, et s’il ouvrira la voie à une gouvernance partagée de la transformation écologique.
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