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Une première décision de justice a confirmé la souplesse, pour l’employeur, de l’utilisation du dispositif de rupture conventionnelle collective. Le tribunal a rappelé également les limites du contrôle de la Direccte sur le contenu de l’accord. Julien Sportès, expert-comptable et président de Tandem conseil et formation, commente pour nous ce cas.
Le jugement rendu le 16 octobre 2018 par le tribunal administratif de Cergy Pontoise a rejeté les arguments du syndicat non signataire, d’un salarié et du CHSCT Téléperformance France, qui demandaient l’annulation de l’accord RCC conclu.
Une rupture conventionnelle collective peut avoir une origine économique
Pour les juges, le fait que des difficultés économiques soient à l’origine de la rupture conventionnelle collective n’est pas de nature à invalider l’accord. La condition pour que le texte soit conforme au code du travail est qu’il contienne une clause interdisant tout recours à des licenciements économiques pendant « un délai raisonnable », 12 mois en l’occurrence. En conséquence, et quelle que soit la situation de l’entreprise, l’employeur n’est pas obligé de déclencher une procédure de PSE (plan de sauvegarde de l’emploi), ni de prévoir de reclassements internes.
L’avis de Julien Sportès, expert Tandem conseil et formation :
L’absence d’obligation d’un motif économique dans l’accord RCC est l’un des éléments qui distinguent la rupture conventionnelle collective d’un plan de sauvegarde de l’emploi. Dans le cadre d’un PSE, le motif économique à l’origine des suppressions de postes doit être explicité. Dans le cadre de la RCC, aucune justification n’est imposée pour initier un accord. Pourtant en pratique, cette explication donne un sens aux suppressions de poste. On constate d’ailleurs que la plupart des accords RCC initiés depuis janvier 2018 comportent une origine économique.
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La Direccte n’a pas à se prononcer sur les causes, ni sur le contenu de l’accord RCC
Par ailleurs, pour le tribunal administratif de Cergy Pontoise, si la Direccte doit s’assurer que l’accord de RCC comporte bien les clauses obligatoires, elle n’a pas à se prononcer sur le choix de l’entreprise de recourir à un accord RCC ou à un plan de sauvegarde de l’emploi, ni même sur le contenu du texte de l’accord de rupture conventionnelle collective.
Ainsi, dans ce cas précis, à la critique des demandeurs sur les modalités de départage des volontaires au départ prévues par l’accord qui, selon eux, ne garantissaient pas le respect du principe d’égalité de traitement, le tribunal a répondu par une lecture stricte de la loi : l’administration n’a pas à se prononcer sur le contenu du texte de l’accord.
L’avis de l’expert, Julien Sportès :
Les mesures sociales sont à négocier dans l’accord RCC, mais sans socle obligatoire formalisé. Ces mesures sont : « Les actions de formation, de VAE ou de reconversion, ou des actions de soutien à la création d’activités nouvelles ou à la reprise d’activités existantes ».
Au regard des obligations dans le cadre des PSE, les mesures sociales listées pour l’accord de rupture conventionnelle collective apparaissent donc sommaires et peu contraignantes. En réalité, il s’agit d’un transfert des obligations de reclassement et d’adaptation des salariés de l’entreprise vers la collectivité.
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Information-consultation sur la RCC. Les IRP simplement informés
Sur un autre plan, le tribunal a rejeté l’argument selon lequel l’employeur aurait dû consulter le CE ainsi que le CHSCT, dans la mesure où l’accord avait pour effet de contribuer à « une restructuration et à une compression des effectifs salariés de la société ». En effet, Téléperformance France prévoyait la suppression de 226 postes sur 2 175 salariés. Le jugement confirme ainsi que seule l’information du CSE (ou, dans ce cas, du CE) doit être organisée. L’administration doit simplement s’assurer du respect de la procédure prévue par l’accord.
L’avis de l’expert, Julien Sportès :
Un principe de sécurisation des ruptures des contrats réaffirmé.
Ce nouvel accord RCC constitue donc une énième possibilité à disposition des entreprises pour faciliter les ruptures de contrats : PSE / PDV, rupture conventionnelle individuelle, accord de compétitivité, GPEC, départs non remplacés…
Si le jugement du TA de Cergy Pontoise doit être confirmé par d’autres à venir, il rappelle le rôle et la responsabilité des partenaires sociaux dans le déclenchement, l’encadrement et la mise en œuvre de la RCC, le traitement des salariés concernés et la qualité des mesures sociales d’accompagnement.
Quelles différences entre un PSE et une RCC ?
Le complément de l’expert, Julien Sportès, président de Tandem conseil et formation :
Outre les mesures sociales à négocier dans l’accord RCC, sans socle obligatoire et l’absence d’obligation d’un motif économique, deux autres points, non abordés dans ce cas de jurisprudence distinguent le plan de sécurisation de l’emploi (PSE) d’une rupture conventionnelle collective (RCC) :
- Les délais de négociation: aucun délai n’est fixé pour la négociation de ce nouvel accord de RCC. Pour la procédure de PSE en revanche, un calendrier légal est défini pour l’information et la consultation du CE ou du CSE (de deux à quatre mois, en fonction du nombre de postes supprimés). La possibilité de conclure « rapidement » un accord RCC constitue un argument fréquemment repris par les directions d’entreprise pour justifier son intérêt, or en pratique les délais de négociation se sont avérés au moins aussi importants que pour un PSE.
- L’absence d’accompagnement d’experts sur les aspects économiques, organisationnels et sur les conditions de travail. En effet, l’accord RCC ne prévoit pas la possibilité de se faire accompagner par un expert-comptable, pour l’analyse économique, organisationnelle et sociale du projet de réorganisation et pour l’aide à la négociation.
*TA de Cergy-Pontoise n°1807099 – audience du 2 octobre 2018
Élodie Sarfati
A savoir égal
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