« Quel bafouillage quand il fallait lire les PV du CE ! » Patrick Labasque, secrétaire de comité

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Patrick Labasque est devenu légitime dans son rôle de secrétaire du comité d'entreprise des Cars Grisel en apprenant sur le tas et en se formant.

Patrick Labasque est devenu légitime dans son rôle de secrétaire du comité d’entreprise des Cars Grisel en apprenant sur le tas et en se formant. Photo : Cars Grisel.

Patrick Labasque est entré en syndicalisme par volonté de restaurer une certaine justice dans son entreprise. A la force de son travail personnel et des formations syndicales qu’il a suivies, il a su se faire respecter par la direction.

« J’ai 59 ans, juste le bac, 13 ans de conduite d’autocar et 10 ans de syndicalisme » se résume Patrick Labasque. Cet homme discret aux cheveux grisonnants a d’abord été poussé vers le syndicalisme par une direction qui souhaitait contrecarrer le syndicat en place. Quelques années après, arrivé dans la société Grisel, le pli est pris, Patrick Labasque est élu délégué du personnel, mais sans étiquette cette fois-ci et par engagement spontané.

 

 

« Parler aux avocats, connaître le droit du travail, tout cela s’apprend »

La vie dans la société se passe plutôt bien jusqu’au premier accrochage avec la direction : « Des chauffeurs classés 137 remplaçaient des chauffeurs classés 140 depuis plusieurs semaines et aucun ajustement de salaire n’était prévu. Ça n’était pas normal », explique-t-il. Il se saisit personnellement du dossier pour aller aux prud’hommes. La direction résiste, puis cède, à la porte du juge, pour une solution à l’amiable. Pour Patrick Labasque, autodidacte dans ses nouvelles fonctions de défenseur des salariés, c’est une première victoire, mais aussi une épreuve. « Trouver les tournures de phrase pour les documents écrits, parler à des avocats, connaître le droit du travail, tout cela s’apprend et je n’y connaissais rien. Le délégué du personnel CFDT m’a aidé et je me suis aperçu que c’était tout de même plus facile en étant soutenu. »

 

« Un élu formé est plus légitime face à la direction »

L’épreuve passée avec succès, Patrick Labasque se présente aux élections suivantes sous l’étendard CFDT, « par reconnaissance, par nécessité et parce que la philosophie du syndicat me convenait. » Désormais élu au comité d’entreprise, il part à Amiens suivre sa première formation syndicale. Pendant cinq jours d’affilé, il enregistre avec attention et curiosité ces connaissances qui vont lui servir ensuite : quels documents demander, comment les interpréter, etc. Avec le syndicat, il bénéficie désormais de sessions régulières de formation. « Je pousse mes suppléants à se former, même si ce n’est pas facile quand on a un poste à responsabilité. Pourtant ils sont conscients qu’un élu formé est plus légitime face à la direction qu’un « rigolo » aux revendications farfelues et coupées de la réalité. On en connaît ! », commente le secrétaire du comité d’entreprise.

 

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L’expérience de la discrimination syndicale

Alors que les relations avec la direction se passent plutôt sans encombre, Patrick est, du jour au lendemain « mis au placard » ; « sans doute pour me dissuader d’être syndiqué », analyse-t-il. Après avoir accusé le coup, il prend du recul et de tourner la situation à son avantage en profitant de l’occasion pour approfondir ses connaissances et se consacrer à son rôle de représentant du personnel. Deux ans et demi, à la faveur d’une réorganisation du travail, il réintègre son poste, mais entre-temps, il a été réélu secrétaire du CE, en délégation unique du personnel, et est désormais secrétaire général adjoint de la branche transport de voyageurs CFDT de la région Picardie.

 

« Quel bafouillage quand il fallait lire le PV ! »

De mandat en conflit, de formation en confrontation, Patrick Labasque a construit sa personnalité de représentant du personnel au fil des événements. « Au début j’étais tout rougissant et je considérais le patron avec un grand P. Puis plusieurs choses m’ont énervé et j’ai pris confiance en moi. Mon apprentissage a été long… et quel bafouillage quand il fallait lire le PV », se souvient-il en riant. Sa montée en compétences s’est ainsi faite au fil des ans. Pendant son premier mandat d’élu au CE, Patrick Labasque découvre un comité d’entreprise peu structuré, « un secrétaire fantôme », une direction qui signe les chèques et rédige les procès-verbaux de réunion. Ce n’est que quatre ans plus tard, en tant que secrétaire du CE cette fois-ci, qu’il décide de « mener sa petite guerre interne » et de reprendre le comité d’entreprise en main et notamment la gestion des budgets. « Pour les PV, avoue-t-il, ça m’arrangeait plutôt que ce soit la DRH qui les rédige, tant que j’avais un droit de regard et de modification dessus. » Aujourd’hui, entre le patron et lui, un respect mutuel s’est installé.

 

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« Les formations que j’ai suivies m’ont aidées dans mes mandats »

Patrick regrette de n’avoir pas suivi de formations en développement personnel. « J’en aurais eu besoin, notamment pour l’élocution » et aussi en français pour rédiger des textes. Il a appris au quotidien poussé par la nécessité « d’être à la hauteur face à la DRH et pour rédiger des flyers militants ». « Les formations professionnelles que j’ai suivies dans mes postes précédents, en achats et en négociation notamment m’ont aidées dans mes mandats, c’est sûr, constate Patrick Labasque. Chacun a des qualités personnelles, je pense que les miennes sont plutôt l’ordre de la négociation et le sens du consensus. » Dans la gestion du comité d’entreprise, les compétences de chacun dans le bureau du CE jouent un rôle important : le trésorier a une formation de comptable, un autre élu, « bon parleur » s’occupe des relations publiques, une élue met à disposition ses compétences en planification et organisation, etc.

 

De l’élu au manager

A trois ans de la retraite, Patrick Labasque a été réélu secrétaire du comité d’entreprise début 2014. Il jongle ainsi entre son poste de travail, ses 60 heures de délégation et ses responsabilités syndicales au niveau régional. « J’ai changé d’attitude par rapport à mon premier mandat : avant je faisais vraiment tout, cette fois j’ai appris à déléguer » explique-t-il. D’autant qu’il espère bien voir émerger du bureau du CE des personnalités, pour pouvoir transmettre ce qu’il a mis tant de temps à apprendre seul. Alors il « les stimule » tous, titulaires, suppléants et adhérents pour qu’ils se forment : en langues, en informatique, en français, et pour « préparer la relève ».

 

Philippine Arnal-Roux