« Ce que craignent les employeurs, c’est tout ce qui relève du Droit », Bernard, représentant syndical

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Tout a commencé le jour où il s’est retrouvé dans le même bureau qu’un représentant syndical CGT. Bernard* ne revendique aucun « atavisme syndical » dans sa famille, ni orientation politique qui aurait laissé supposer un futur engagement syndical.

 

Il n’empêche qu’il a toujours été impliqué dans la vie sociale de l’entreprise, jusque dans la rédaction du « Petit journal » syndical. Il a fallu attendre ce jour-là, mais aussi le sentiment de vivre soi-même une injustice professionnelle (mise au placard) pour que son envie de défendre les autres s’affirme et qu’il s’engage réellement en syndicalisme.

 

« Toujours revenir au code du travail dans sa mission de représentant syndical »

« En 2002, un ami m’a proposé de le rejoindre dans la section syndicale qu’il souhaitait créer. C’est à ce moment-là que j’ai démarré un mandat de délégué syndical, puis tout s’est enchaîné : délégué syndical central, délégué du personnel, responsable syndical au comité d’entreprise, puis membre du CHSCT et conseiller du salarié… A partir de 2009, j’étais à plus de 70 % de mon temps professionnel sur des activités militantes. » Une accumulation de mandats qui implique naturellement pour Bernard le besoin de se former pour remplir correctement ces différentes missions de défense des salariés. Il suit les sessions d’un à trois jours proposées par le syndicat, des formations juridiques pour l’essentiel, mais aussi des formations délivrées par des cabinets d’expertise-comptable ou des organismes de formation, comme la Cegos ou encore Francis Lefebvre. « Le syndicat nous proposait des formations, j’acceptais et j’incitais les autres, mais mes collègues n’y montraient pas d’intérêt particulier. En tout cas, j’ai retenu de ces formations que dans ma mission de représentant du personnel, il fallait revenir systématiquement au code de travail, car ce que craignent les employeurs, c’est tout ce qui relève du Droit. »

 

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Montée en compétences : la solution de légitimité des élus du personnel

« Je suis persuadé de la nécessité de la montée en compétences du personnel et de l’importance du rapprochement entre les employeurs et les représentants du personnel. La convergence d’intérêt vaut mieux qu’une posture d’opposition » pense Bernard qui constate ainsi que dans son entreprise, un groupe bancaire, il n’y a pas de culture du conflit, la participation aux élections professionnelles est très faible et la direction se sert, dit-il, de ce déséquilibre des forces.

« Je pense que cette absence d’adhésion de la part des salariés tient d’une part de la responsabilité collective, des syndicats en particulier, et du manque de réponses qu’ils donnent aux collègues. D’autre part, cette défiance des salariés vis-à-vis des représentants du personnel est pour moi une conséquence de l’approche consumériste des gens qui ne s’intéressent aux élections qu’au travers des avantages sociaux proposés par le comité d’entreprise, ou bien le jour où ils ont un problème. »

Pour le défenseur du personnel investi qu’il est, le développement des compétences et des connaissances des militants par la formation est l’une des solutions pour rétablir la légitimité et la reconnaissance de leur statut dans l’entreprise.

 

 

Montée en compétences… reconversion du représentant syndical

Mandat, négociation, assistance aux salariés, rapport de force avec la direction… Au cours de son mandat, Bernard a constaté une progression dans son parcours et le passage par plusieurs phases : l’apprentissage, la montée en compétences, le sentiment d’avoir acquis un bon niveau de connaissances générales, le recours aux textes, à plus de références et de formalisme et à des moyens tels que le droit d’alerte, l’inspection du travail, le conseil de services juridiques, etc. Jusqu’à la saturation quand il constate que sa relation avec le responsable des relations sociales est bloquée.

Ajoutée à des problèmes de santé, proche de l’âge de la retraite, il décide de prendre du recul par rapport à ses mandats et de réfléchir à son avenir professionnel. La question incontournable de sa reconversion en tant qu’élu du personnel et de la valorisation de ses compétences acquises lors de ses mandats, se pose alors à lui. Un bilan de compétences plus tard, il s’oriente vers le master négociation et relations sociales de l’université Paris-Dauphine, une formation coûteuse (13 000 euros), financée par l’opca du secteur.

 

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A lire : Article sur le master Négociation et relations sociales de Paris-Dauphine

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Ce master m’a donné envie d’aller plus loin

« Ce master a été comme un marchepied pour moi. Il m’a donné envie d’aller plus loin ». C’est donc une révélation : rechercher un équilibre entre les salariés, la RH et le monde syndical ; lever les ambiguïtés, les préjugés qui existent les uns envers les autres pour ‘co-contruire’ l’entreprise… Pendant les 18 mois du master : il apprend comment, en négociation, parvenir à faire converger les points de vues ; accepter davantage le compromis pour obtenir également des efforts de la partie adverse.

« Avant, je n’étais pas capable d’être dans le don, pour obtenir quelque chose. Je serai d’autant plus enclin à le faire qu’actuellement, à l’échelle de mon entreprise, je ne perçois plus de marge de négociation. Cette formation, on ne peut en mesurer les bénéfices que dans une situation de négociation réelle. » En sortant du master NRS, Bernard est regonflé à bloc, il a le sentiment d’avoir été utile, notamment avec le mémoire qu’il a réalisé avec son équipe sur le dialogue social et la révolution numérique chez un opérateur de télécommunication. « Cette expérience de formation fait que demain, j’aborderai la négociation différemment. »

Si de son côté Bernard a dû se battre pour faire respecter les salariés au sein de son entreprise, sa direction a toujours rempli son obligation de formation envers lui. Il a ainsi pu suivre, le master Négociation et relations sociales de Paris Dauphine, préparer une VAE de droit social à Assas, obtenir un certificat chez Francis Lefebvre et décrocher en septembre 2015, un executive master à Science Po.

Quant à l’avenir : il se voit reprendre des activités militantes, des mandats pour porter sa structure syndicale.

 

*Bernard est un prénom d’emprunt.