Une nouvelle voie bientôt créée vers la certification des syndicalistes ?

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Le travail de fond de l’Afpa sur l’identification des compétences des représentants du personnel en entreprise avance. Se dessine désormais une réflexion et des propositions autour d’une nouvelle voie de certification des syndicalistes mandatés et de leurs compétences.  

AFPA_reconnaissances_competences _mandatesLes auditions menées par l’équipe de l’Afpa auprès de plusieurs dizaines de délégués syndicaux et délégués du personnel, ont permis de dégager les compétences de ces mandatés, mais aussi les obstacles à l’exercice de leur mandat et à leur évolution professionnelle. Pour poursuivre l’enquête auprès des élus de CE et de CHSCT, un panel de « grands témoins » a été désigné et de nouveaux entretiens sont menés jusqu’en fin d’année 2017 afin d’identifier les mêmes éléments que pour les DS et DP précédemment.

Les qualités développées étant proches de celles observées chez les délégués (DP et DS), ces échanges seront cependant particulièrement centrés sur ‘’la transférabilité’’ des compétences acquises par les élus du personnel vers une activité professionnelle.

Des écarts constatés, à compenser par la formation ou l’argumentation

Le travail de l’Afpa consiste, dans un premier temps, à rédiger les compétences des mandats internes à l’entreprise (DS, DSC, DP, CE et CHSCT), à les regrouper en blocs de compétences cohérents, puis à définir les reconnaissances possibles pour construire des parcours types en vue d’une validation d’une certification.

« Nous avons relevé quelques écarts à résoudre, par exemple entre les compétences en négociation commerciale et en négociation collective, explique Alain Adelise, responsable de projet à l’Afpa. Pour compenser cet écart, le mandaté devra se préparer en vue de l’équivalence, se former ou bien argumenter pour justifier de la transférabilité de ses compétences ».

Ensuite, les correspondances des blocs de compétences seront établies avec des certificats de compétence professionnelle (CCP) de titres professionnels existants. Dans la foulée, des certifications liées aux blocs de compétences et identifiées pour les mandats de DS, DP et CE, seront déposées par le biais de la DGEFP et de la délégation de l’Afpa à l’inventaire de la CNCP (commission nationale de la certification professionnelle).

Un parcours d’accompagnement des mandatés vers la reconnaissance ?

En parallèle, un travail de persuasion et une réflexion commune avec les universités, le Cnam et autres établissements certificateurs devront être menés pour parvenir à une reconnaissance générale et formelle des équivalences qui n’auront pas pu être trouvées dans le champ de compétence du ministère du travail, notamment touchant aux mandats de CE (organisation du travail…) et de CHSCT (prévention, etc.)  … « Un travail de plus longue haleine », prévoit Alain Adelise. En effet, le processus de reconnaissance des compétences des mandatés, qui s’inscrivait jusqu’à présent pour l’essentiel dans le cadre d’une validation des acquis de l’expérience (VAE), n’était jusqu’à présent pas forcément bien accueilli ou du moins était mal compris par les universitaires composant les jurys d’évaluation. Il est en effet difficile pour certains d’accepter que des personnes acquièrent par leur expérience, sans avoir fait d’études, le même niveau de diplôme que ceux qui ont passé des années sur les bancs de l’université.

« L’objectif est de permettre aux mandatés d’acquérir des blocs de compétences pour obtenir une reconnaissance partielle sur un bloc d’une certification existante, et ce, de plusieurs ministères certificateurs. En clair, qu’ils puissent accéder à une licence par exemple, avec une réduction de parcours, rappelle Alain Adelise. Mais faut-il encore bien préparer et baliser la procédure qui leur permettra cette reconnaissance officielle. « Selon nous, il est nécessaire de mettre en place un parcours d’orientation et d’accompagnement des mandatés pour leur permettre de préparer en amont leur démarche ».

A lire aussi l’interview de Nicole Maggi-Germain, directrice de l’ISST de l’université Paris I Panthéon Sorbonne : « Les militants en reconversion ont besoin d’un réseau »

Un arrêté définira la nouvelle voie créée par le ministère du travail

Enfin, pour que tout ce travail de fond ne soit pas vain, une procédure devrait être créée et officialisée par arrêté du ministère de l’emploi et du travail, comme une voie spécifique aux représentants du personnel.

L’Afpa, s’appuyant sur son expertise de la formation tout au long de la vie, indique que : « Cette nouvelle voie doit comprendre un accompagnement du candidat, de l’autoformation, une préparation en amont à la constitution du dossier notamment pour lui permettre de se poser les bonnes questions et de construire son argumentaire. »

Un binôme en jury et une validation des acquis, sans mise en situation

« D’autre part, poursuit le chef de projet, la composition du jury est déterminante pour juger de la transférabilité des compétences ; le groupe de travail est favorable à l’idée d’un binôme ». De plus, à la différence de la VAE, la « nouvelle voie » de certification des mandatés sera « un dispositif plus souple », ne comprenant pas de mise en situation en contexte professionnel. Elle consistera à monter un dossier technique et professionnel et à passer un entretien s’appuyant sur un exposé.

Que pensez-vous du fait de ne pas mettre en situation les candidats à cette nouvelle certification des syndicalistes mandatés ?

L’avis de Nicole Maggi-Germain, directrice de l’ISST, université Paris I, Panthéon-Sorbonne.« Le fait qu’il n’y ait pas de mises en situation ne me pose a priori pas de problème dès lors que la validation concerne des connaissances et des compétences plutôt théoriques ; le contexte dans lequel les compétences s’exercent n’étant jamais le même. Je vois mal simuler une réunion de comité entreprise ou bien l’organisation d’une négociation. Les candidats ne sont pas jugés sur un geste technique à réaliser. La solution retenue qui serait, si j’ai bien compris, de construire un dossier, me paraît adaptée aux compétences pour lesquelles la validation est demandée : cela suppose d’être en capacité de mettre en forme une activité individuelle exercée dans un cadre collectif qui sera, d’une certaine manière, « neutralisé » par l’absence de mise en situation.
Mais je n’ai peut-être pas saisi tous les enjeux… »

Relayer et tester le dispositif en région via les réseaux syndicaux

Dans un second temps, sans doute au cours du deuxième trimestre 2018, un travail équivalent devra être mené sur les mandats qui s’exercent en dehors de l’entreprise.

Prochaine étape et décision à prendre par les membres du groupe de travail, d’ici au début de l’année 2018, la région qui accueillera l’expérimentation prévue. Le but est d’affiner le processus d’accompagnement des militants et de tester non seulement l’attrait du dispositif mais aussi les capacités d’accueil et de suivi. Ce sera l’occasion pour chaque syndicat de mobiliser en local ses équipes pour relayer l’information, sans doute une première en la matière, si on se souvient de l’absence de relais dont a pâti la VAE militante.

Qu’est-ce que l’inventaire de la CNCP ?

L’article L335-6 du code de l’éducation précise que « les certifications et habilitations correspondant à des compétences transversales exercées en situation professionnelle peuvent être recensées dans un inventaire spécifique établi par la Commission nationale de la certification professionnelle. » La certification recensée à l’Inventaire doit :- sanctionner une maîtrise professionnelle ;
– faire suite à un processus de vérification de cette maîtrise ;
– émaner ou être cautionnée par une instance professionnelle légitime, selon un processus pérenne qui en garanti la fiabilité ;
– être attestée par un document.

 

Philippine Arnal-Roux