Information-consultation du CSE. Un déficit croissant justifie le déclenchement du droit d’alerte économique

Sommaire

Un déficit croissant, la perte de clients… Lorsque vous avez connaissance de faits qui peuvent affecter de manière préoccupante la situation économique de l’entreprise, vous pouvez demander à l’employeur de vous fournir des explications. Au-delà du droit à l’information-consultation du CSE, c’est le droit d’alerte économique ouvert à tous les comités sociaux et économiques des entreprises de plus de 50 salariés.

 

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Le CSE peut déclencher le droit d’alerte économique en cas de déficit croissant de l’entreprise. Photo : Unsplash

Dans cette entreprise du secteur aéronautique, l’employeur n’a pas informé les élus du personnel de la situation économique de l’entreprise malgré la gravité des faits, ni répondu à leurs questions.

Selon l’arrêt de la cour d’appel, en question (24/01/2019) – qui donnait raison au CE – le comité d’entreprise, lors d’une réunion extraordinaire datée du 20 mars 2013, a voté le déclenchement du droit d’alerte à la suite de la découverte de faits préoccupants sur la situation économique et sur l’avenir de la société Aéropiste. En effet, à l’occasion du dépôt des rapports de sociétés d’expertise-comptable, il a été constaté un déficit croissant sur plusieurs années consécutives.

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En 2015, le comité d’entreprise n’ayant toujours pas obtenu de réponses satisfaisantes de la part de l’employeur, il l’a assigné dans le but de faire constater un délit d’entrave relatif à l’absence de documents fournis au comité sur la situation de l’entreprise. De plus, l’employeur n’aurait également pas suivi la procédure d’information-consultation, relative au changement de carburant, qui entrainait une modification de l’organisation du travail. Le CE a réclamé des dommages et intérêts en réparation des entraves commises.
La SARL Aéropiste s’est pourvue en cassation contre l’arrêt rendu le 24 janvier 2019 par la cour d’appel de Paris.

 

 

Le comité peut demander des explications à l’employeur

La cour de cassation a rappelé que selon l’article L. 2323-78 du code du travail (version 2015, voir version actualisée dans l’encadré ci-dessous), le comité d’entreprise était en droit de demander des explications à l’employeur s’il constate des faits de nature à affecter de manière préoccupante la situation économique de l’entreprise. De plus, les élus du comité d’entreprise ont respecté la procédure :
1. demandant la convocation d’une réunion extraordinaire,
2. s’appuyant sur un ordre du jour portant sur le lancement d’une alerte interne,
3. précisant une liste d’interrogations posées à la direction, en particulier sur le déficit croissant depuis plusieurs années consécutives
4. relevant l’absence de réponse pertinente de la direction de nature à expliquer le déficit et les moyens pour y remédier.

 

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Sur le changement de carburant, malgré les arguments de l’employeur, arguant qu’il avait informé les salariés par une note et que l’organisation du travail n’était en rien changée en conséquence car les salariés manipulaient déjà ce type de carburant… La cour ne lui a pas donné raison.

Ainsi, l’employeur soutenait que les conditions du recours à la procédure d’alerte n’étaient pas réunies et demandait d’annuler l’ensemble des délibérations de la réunion extraordinaire. Il affirmait également que certains documents sollicités dépassaient la mission de l’expert.

Cependant, constatant qu’il n’avait en effet ni fourni les documents demandés, ni répondu aux questions posées et que l’expert exerçait bien dans le cadre de sa mission, la cour de cassation a rejeté le pourvoi de la société, confirmant la décision de la cour d’appel de Paris, en jugeant que l’entrave était bien réelle.
De plus, la société a été condamnée à verser au comité d’entreprise la somme de 15 000 euros de dommages et intérêts.

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A lire aussi :
Quand et comment mobiliser le droit d’alerte économique ?

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Information-consultation du CSE. Droit d’alerte et documents à obtenir

Dans cet arrêt des articles du code du travail sont cités sur l’information-consultation du CSE mais dans leur version 2015. Voici les mêmes articles appliqués au CSE dans le code actuel mis à jour lors des ordonnances de septembre 2017.

Article L2312-63
« Lorsque le comité social et économique a connaissance de faits de nature à affecter de manière préoccupante la situation économique de l’entreprise, il peut demander à l’employeur de lui fournir des explications. Cette demande est inscrite de droit à l’ordre du jour de la prochaine séance du comité.

Si le comité n’a pu obtenir de réponse suffisante de l’employeur ou si celle-ci confirme le caractère préoccupant de la situation, il établit un rapport. Dans les entreprises employant au moins mille salariés et en l’absence d’accord prévu à l’article L. 2315-45, ce rapport est établi par la commission économique prévue par l’article L. 2315-46. »

 

 

Qu’est-ce qu’un fait préoccupant ?

Les « faits préoccupants » pouvant justifier le déclenchement d’un droit d’alerte, peuvent être de nature très différente :

  • difficultés de trésorerie,
  • perte d’un gros client,
  • fusion ou montage financier problématique,
  • contentieux fiscal,
  • conséquences d’une nouvelle législation,
  • décision stratégique de la maison-mère,
  • déficit répété, etc.

 

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Article L2312-64
« Le comité social et économique ou, le cas échéant, la commission économique peut se faire assister, une fois par exercice comptable, de l’expert-comptable prévu à l’article L. 2315-92, convoquer le commissaire aux comptes et s’adjoindre avec voix consultative deux salariés de l’entreprise choisis pour leur compétence et en dehors du comité social et économique.

Ces salariés disposent de cinq heures chacun pour assister le comité ou la commission économique en vue de l’établissement du rapport prévu à l’article L. 2312-63. Ce temps est rémunéré comme temps de travail. »

Arrêt : cour de cassation sociale, 7 juill. 2021, n° 19-15.948 D

 

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A lire aussi :
Droit d’alerte économique : en quoi consiste-t-il ?

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