Exercice du droit d’alerte. Quelles obligations pour le CSE et l’employeur en cas d’atteinte aux droits des personnes ?

Sommaire

 

Le CSE peut, face à certaines situations, déclencher le droit d’alerte pour atteinte aux droits des personnes. Ce levier vise notamment à forcer l’employeur à se positionner et à agir pour mettre un terme à l’atteinte subie par le salarié.

Il existe différents types de situations :

  • L’atteinte aux droits des personnes des salariés

    . Par exemple, toute mesure discriminatoire en matière d’embauche, de rémunération, de formation professionnelle, d’évolution professionnelle, de mutation, de sanction ou de licenciement… Et aussi toute atteinte à la dignité de femme ou d’homme.

  • L’atteinte à la santé physique et mentale des salariés,

    la situation subie par le salarié est susceptible de dégrader sa santé physique ou mentale, comme les cas de harcèlement moral et de harcèlement sexuel.

  • L’atteinte aux libertés individuelles

    , non justifiée par la nature de la tâche à accomplir, ni proportionnée au but recherché. Dans le cadre par exemple des modalités de contrôle de l’activité des salariés, en cas de contraintes disproportionnées concernant l’apparence physique ou vestimentaire… Mais aussi les atteintes à la liberté d’opinion religieuse, politique et syndicale, à la liberté de se déplacer, ainsi que le respect de la vie privée, le droit à la déconnexion…

  • Le déroulement :

Un élu du CSE souhaitant exercer son droit d’alerte doit informer l’employeur de la situation constatée ou de la situation telle que présentée par le salarié. Cette information peut être réalisée par tout moyen et à tout moment. Il n’est pas nécessaire qu’elle soit réalisée au cours d’une réunion plénière. Il est recommandé de conserver une trace écrite de cette information.

C’est ensuite à l’employeur de prendre en compte votre alerte et de procéder à une enquête sans délai, conjointe avec l’élu du CSE auteur de l’alerte.

Cette enquête a pour objectifs de comprendre les faits reprochés, de rechercher les causes de l’atteinte pour trouver des solutions et faire cesser l’atteinte. Pour mener votre enquête vous pouvez : étudier des documents, vous déplacer, échanger avec les salariés, faire appel à un expert…

Lors de l’enquête il convient de garantir la confidentialité des échanges (salle à l’abri des regards extérieurs) et possibilité de faire signer un engagement de confidentialité aux personnes entendues.

A l’issue de l’enquête l’élu du CSE échange avec l’employeur sur la réelle pertinence du droit d’alerte exercé et sur les mesures immédiates à prendre par l’employeur.

Si les conclusions de l’enquête confirment l’atteinte, l’employeur doit immédiatement mettre un terme à cette dernière.

Ensuite quelles que soient les conclusions, l’élu du CSE doit rédiger un compte-rendu précis en indiquant la conclusion commune (confirmation ou infirmation de l’atteinte), les démarches réalisées pour aboutir à cette conclusion et le cas échéant les mesures envisagées par l’employeur. Vous pouvez également préciser si ces mesures sont, à votre sens, suffisantes et adaptées. Le document doit aussi mentionner les éventuels désaccords existants entre l’employeur et le CSE.

Si des mesures ont été mises en place pour faire cesser l’atteinte, il est important de prévoir de contrôler l’efficacité de ces mesures prises par l’employeur. Ainsi vous pouvez prévoir un ou plusieurs contrôles espacés dans le temps.

Ce compte-rendu est à diffuser auprès du salarié ayant informé l’élu de l’atteinte, à l’employeur ainsi qu’aux autres membres du CSE.

Vous pouvez également décider de l’afficher et de le diffuser à l’ensemble des salariés, mais soyez vigilent au respect des règles de confidentialité. Si nécessaire, vous pouvez également transmettre le compte-rendu à l’inspection du travail. Le compte rendu doit être conservé dans les archives du CSE.

Pour information, le temps passé à l’exercice/l’information de ce droit d’alerte par l’élu est décompté de son crédit d’heures et la Cour de cassation a tranché concernant le décompte du temps passé à mener l’enquête en cas d’atteinte aux droits des personnes. Elle fait une appréciation stricte de l’article L. 2315-11 du code du travail, et en déduit que ce temps s’impute du crédit d’heures des élus du CSE.

 

  • Les conséquences en l’absence de mesures adaptées :

À tout moment de la procédure, ainsi qu’à son terme faute d’actions menées, le salarié victime peut agir à l’encontre de l’employeur. Le salarié peut notamment demander des dommages et intérêts.

Au terme de la procédure du droit d’alerte et en l’absence de mesures prises par l’employeur pour faire cesser l’atteinte, les élus du CSE ont la possibilité d’agir en justice contre l’employeur pour l’obliger à prendre les mesures nécessaires en saisissant en référé le conseil de prud’hommes (cette action ne permet pas de condamner l’employeur à indemniser le salarié). Pour information c’est un élu à titre personnel qui doit saisir la justice et non le comité en tant que personne morale.

Pour précision, avant de saisir le juge, l’élu auteur du droit d’alerte a l’obligation d’avertir le salarié de sa volonté de saisir le juge. Si le salarié donne son accord ou ne donne pas de réponse dans le délai prévu, l’élu peut alors saisir le conseil de prud’hommes.

 

Sources :

C. trav., art. L. 1152-4 et L. 1153-5 (obligation de prévention), L. 4121-1 (obligation de prévention des risques professionnels), L. 2312-59 (droit d’alerte représentant au CSE)

Cass. soc., 29 juin 2011, n° 09-70.902 (abstention fautive de l’employeur qui attend avant d’effectuer les enquêtes et investigations permettant de connaître la situation de harcèlement)

Cass. soc., 27 novembre 2019, n° 18-10.551 (l’obligation de prévention des harcèlements ne se confond pas avec l’obligation de prévention des risques. L’employeur qui ne diligente pas une enquête après la dénonciation de faits de harcèlement par un salarié manque à son obligation de prévention, et ce, même si les faits ne sont pas établis.)

Cass. soc., 8 janvier 2020, n° 18-20.151 (l’enquête harcèlement n’impose pas d’entendre tous les salariés)

Cass.soc.9 novembre 2022 n° 21-16.230 (alerte en cas d’atteinte aux droits des personnes : temps décompté du crédit d’heures de délégation)

Par Elodie Mathez juriste-formatrice en Droit Social