Facebook. L’employeur peut-il légitimement attenter à la vie privée d’un salarié ?

Sommaire

Dans les cas de force majeure, en cas notamment de violation d’obligation professionnelle de confidentialité, des informations trouvées sur les réseaux sociaux peuvent servir à un licenciement. C’est ce que vient de décider la cour de cassation dans un arrêt du 30 septembre 2020.

La Haute juridiction vient de donner raison à un employeur qui s’était servi d’une photo prise sur le compte Facebook privé d’une salariée pour la licencier.

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Dans ce cas, l’atteinte à la vie privée du salarié était proportionné au but recherché : protéger les intérêts de l’entreprise. Photo : Unsplash

Dans l’affaire jugée, la plaignante avait été embauchée le 1er juillet 2010 comme chef de projet export chez Petit Bateau et licenciée le 15 mai 2014 pour faute grave pour avoir manqué à son obligation contractuelle de confidentialité. Le 22 avril 2014, cette dernière avait en effet publié sur son compte Facebook personnel une photographie de la nouvelle collection printemps/été 2015, présentée exclusivement aux commerciaux de la société.

La salariée a contesté son licenciement devant le conseil des prud’hommes, soutenant avoir été victime d’une intrusion abusive et illicite dans sa vie privée. Elle a par ailleurs souligné que le procédé par lequel son employeur avait eu accès à ces informations était déloyal. C’est une autre salariée, « amie » sur Facebook de la plaignante, qui a en effet prévenu la direction du groupe par mail, captures d’écran à l’appui.

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Aux prud’hommes, la preuve est libre mais encadrée

Dans quelle mesure des informations trouvées sur les réseaux sociaux peuvent-elles constituer des preuves valables dans un procès ? Rappelons qu’en matière prud’hommale, la preuve est libre.

Certaines limites ont cependant été posées. Par exemple, ne sont pas recevables les informations recueillies sur le profil d’un salarié en utilisant le portable professionnel d’un autre salarié (cour de cassation, arrêt du 20 décembre 2017). En revanche, l’employeur peut se prévaloir des échanges tenus par un salarié sur son compte Facebook avec un autre salarié, lorsque ce dernier a laissé ouvert son compte Facebook sur son ordinateur professionnel (CA Toulouse, 2 février 2018 n° 16/04882).

Vie privée d’un salarié : pas de procédé déloyal ?

Dans cette affaire, la Haute juridiction a bien reconnu une atteinte à la vie privée de la salariée de la part de l’entreprise.

Cependant, le procédé d’obtention n’était pas déloyal. La cour d’appel a en effet constaté que « la publication litigieuse avait été spontanément communiquée à l’employeur par un courriel d’une autre salariée de l’entreprise ».

La preuve obtenue via stratagème est irrecevable

 

Le code de procédure civile, article 9 rend irrecevable tout ce qui est obtenu au moyen de stratagèmes variés à l’insu des personnes non-informées de l’existence du moyen de contrôle ou d’enregistrement sonore ou visuel.

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Une atteinte proportionnée à la vie privée d’un salarié

Le droit à la preuve peut justifier la production en justice d’éléments extraits du compte privé Facebook d’un salarié portant atteinte à sa vie privée, à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit proportionnée au but poursuivi, a estimé la cour de cassation. Autrement dit, lorsque les faits sont trop graves, Facebook cesse d’être un espace uniquement privé.

Dans un arrêt rendu le 4 mai 2016, la cour d’appel de Poitiers avait déjà admis comme mode de preuve des captures d’écran d’une conversation privée Facebook, en l’occurrence les échanges humiliants entre un éducateur et une personne handicapée dont il avait la charge.

Dans le cas de l’affaire Petit Bateau, le « droit à la preuve » exigeait lui aussi cette atteinte caractérisée à la vie privée. La production de la photo était en effet indispensable à l’employeur pour prouver que la salariée avait divulgué une information confidentielle de la société à des professionnels susceptibles de travailler pour des entreprises concurrentes.

Pour se faire, rappelait la cour d’appel, « l’employeur s’était borné à produire la photographie de la future collection de la société publiée par l’intéressée sur son compte Facebook, ainsi que le profil professionnel de certains de ses « amis » travaillant dans le même secteur d’activité ». L’atteinte à la vie privée était donc proportionnée au but poursuivi, soit la défense de l’intérêt légitime de l’employeur.

Lou-Eve Popper