Harcèlement moral. Ce que dit la jurisprudence récente

Sommaire

Elegia Formation a présenté lors d’une matinée d’actualité organisée en octobre dernier une synthèse des derniers arrêts de la cour de cassation portant sur le harcelement moral. Que peut-on en retenir ?

Rappelons pour commencer ce dont il est question. Le harcelement moral se manifeste par des agissements « répétés » ayant « pour objet ou pour effet une dégradation » des conditions de travail du salarié, « susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique et mentale ou de compromettre son avenir professionnel » (art. L1152-1 du code du travail).

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Le harcèlement moral est également une infraction, punie de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende (art. 222-33-2 du code pénal).

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Harcelement moral ou décision de l’employeur justifiée ?

Lorsqu’un salarié s’estime victime de harcèlement moral, il peut saisir le juge prud’homal et lui présenter les faits « répétés » laissant supposer l’existence d’un harcèlement moral (témoignages, attestations, etc.).

Il appartient ensuite au juge d’examiner ces éléments dans leur ensemble et non pas séparément : ainsi, il n’est pas possible de débouter une salariée au motif que les agissements qu’elle exposait avaient « un caractère isolé » (arrêt du 26 juin 2019).

C’est à l’employeur, enfin, d’apporter la preuve que les mesures étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral.

Deux affaires illustrent ces conditions : le juge a estimé que les agissements dénoncés par les salariés étaient constitutifs d’un harcèlement moral, et que l’employeur n’avait pas apporté la preuve du contraire.

  • Dans la première affaire, un directeur de magasin dont le contrat de travail avait été transféré, s’était heurté au refus de l’employeur de le laisser reprendre ses fonctions. L’employeur l’avait en outre obligé à prendre des congés en s’affranchissant des règles relatives aux périodes de congés payés, « à seule fin de l’écarter de ses fonctions » (arrêt du 12 juin 2019)
  • Dans la seconde affaire, l’employeur n’avait pas répondu à la réclamation d’une salariée concernant une prime, lui avait adressé un mail de recadrage sur les horaires et un mail concernant la façon de recevoir les clients « dans un contexte tendu », ainsi qu’un avertissement injustifié (arrêt du 29 mai 2019)

A noter cependant : si le salarié intente une action judiciaire au pénal, c’est à lui d’apporter la preuve du harcèlement dont il s’estime victime.

 

 

Auteur et victime : quels liens avec l’entreprise ?

Le harcèlement moral peut être le fait de n’importe quel salarié de l’entreprise (supérieur hiérarchique, collègue, subordonné), mais aussi d’un tiers à l’entreprise. La cour de cassation l’a confirmé dans un arrêt du 7 mai 2019 : la présidente d’une association d’aide aux familles de gendarmes a ainsi été reconnue coupable de harcèlement à l’encontre d’un commandant de gendarmerie. Son bureau était à la gendarmerie, qui entretenait avec l’association des relations institutionnelles. Il existait donc une « relation de travail » entre eux.

Le salarié bénéficie de la protection contre le harcèlement moral y compris lorsque son contrat de travail est suspendu, car il reste lié à l’entreprise. Dans l’affaire jugée (arrêt du 26 juin 2019), le salarié était dispensé d’activité en raison d’un congé de fin de carrière.

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Nullité du licenciement en cas de harcelement moral

Aucun salarié ne peut être licencié pour avoir subi ou refusé de subir des agissements de harcèlement moral. Toute rupture de contrat de travail intervenue en méconnaissance de cette disposition est nulle (article L1152-3).

Dans ses récentes décisions, la cour de cassation a jugé que :

  • Un licenciement prononcé en raison des absences du salarié consécutives à des arrêts maladie est nul, dès lors que ces arrêts de travail ont pour origine des faits de harcèlement moral (arrêt du 5 juin 2019)
  • Le licenciement d’une salariée intervenue en raison de son « attitude de moins en moins collaborative », du fait qu’elle créait « des dissensions au sein de l’équipe » et « dénigrait le gérant » est nul, lorsque ces faits constituent une réaction de la salariée au harcèlement moral dont elle est victime (retrait de certaines de ses attributions, injures et humiliation de la part du gérant ou de salariés sans réaction de ce dernier, arrêt du 10 juillet 2019).

Quelle réparation pour le salarié dont le licenciement est annulé ?

L’annulation du licenciement d’un salarié victime de harcèlement moral conduit à sa réintégration dans l’entreprise ainsi qu’au versement des salaires qu’il aurait dû percevoir depuis son licenciement. S’il ne demande pas sa réintégration, ou si elle n’est pas possible, il perçoit une indemnité d’au moins six mois de salaire.

Celle-ci peut s’ajouter à l’indemnisation d’autres préjudices : préjudice moral, violation par l’employeur de son obligation de sécurité, voire faute inexcusable en cas d’accident du travail.

Le juge ne peut pas diminuer l’indemnisation de son préjudice au motif qu’il aurait, par son propre comportement, contribué à la dégradation de ses conditions de travail (arrêt du 13 juin 2019).

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Enfin, le harcèlement moral peut aussi justifier une prise d’acte de la rupture du contrat de travail. Dans un arrêt du 19 juin 2019, la cour de cassation a néanmoins donné tort à une salariée en estimant que les manquements de l’employeur étaient anciens (deux ans avant la prise d’acte), que les faits de harcèlement n’avaient duré que quelques semaines et que l’employeur avaient immédiatement diligenté une enquête et pris des sanctions à l’encontre de l’auteur des faits.

 

Élodie Sarfati
À savoir égal
Agence de digital learning en social-RH